À partir de ce vendredi 19 novembre et jusqu’au 25, l’opéra Wozzeck est à l’affiche au Théâtre du Capitole dans une mise en scène de Michel Fau. Cet opéra composé par Alban Berg est considéré comme l’un des chefs-d’œuvre absolus du premier vingtième siècle, lui-même adapté d’une pièce de théâtre du siècle précédent : Woyzeck de Georg Büchner.
Aux origines du Wozzeck d’Alban Berg, le Woyzeck de Büchner et une histoire vraie
Woyzeck – la pièce de 1836 – est l’histoire d’un soldat tourmenté et d’un crime terrible. Tout au long de la pièce, Franz Woyzeck est sujet à des brimades et des humiliations permanentes face auxquelles ils ne semble montrer aucune résistance. Il est peu à peu sujet à des délires paranoïaques, qui s’intensifient le jour où sa compagne, Marie, le trompe avec un tambour-major. Woyzeck bascule alors dans une folie meurtrière.
L’opéra de Berg ne raconte pas un autre récit, mais en donne sa propre vision. L’œuvre de Georg Büchner est en effet une pièce très difficile à lire. Elle est fragmentaire puisque son auteur est décédé à 23 ans alors qu’il n’avait pas achevé sa rédaction. Même si l’on parvient à comprendre une intrigue et une progression, on ne sait pas exactement dans quel ordre les scènes devaient être organisées. Les situations dépeintes sont totalement factuelles, si bien que l’on ne peut deviner quel message (moral, philosophique, etc.) l’auteur a voulu exprimer, si ce n’est un sentiment d’absurdité et de révolte. Au fil des années, plusieurs metteurs en scène se sont attaqués à ce monument du théâtre allemand, laissant libre cours à leur interprétation.
Wozzeck [d’Alban Berg] est une évocation saisissante du destin du soldat Wozzeck et de Marie dans l’Allemagne des années 1820. La mise en scène de Michel Fau éclaire d’une lumière crue l’oppression sociale dénoncée par la pièce de Büchner. Mais il la transfigure en un univers d’hallucinations cauchemardesques, aux confins de la psyché humaine, dont la musique que Berg a su explorer les abîmes.
Programme de saison du Théâtre du Capitole (page 10)
Wozzeck, un personnage mille fois réincarné
L’opéra de Berg n’est pas la seule adaptation de cette histoire. L’un des interprètes les plus célèbres est Klaus Kinski, qui a prêté ses traits au personnage dans le film éponyme de Werner Herzog en 1979. Malgré sa lenteur et son point de vue neutre, ce film est totalement hypnotique et montre les mécanismes implacables qui font basculer un homme dans la folie, avec la complicité de toute la société. Cette performance lui a d’ailleurs valu une nomination au Festival de Cannes pour la Palme d’or la même année !
La version théâtrale de Jean-Pierre Baro en 2014 est également intéressante. Sous le titre Woyzeck (Je n’arrive pas à pleurer), le metteur en scène a tenté d’utiliser la pièce de Büchner pour mieux comprendre son propre passé et l’histoire de son propre père, un travailleur sénégalais immigré en France dans les années 1960. Son Woyzeck est donc africain et subit de plein fouet le racisme de son pays d’adoption et les préjugés sur son pays d’origine, le faisant sombrer peu à peu dans l’alcoolisme et la violence. Les deux histoires s’interrogent mutuellement et se font écho, montrant à quel point cette pièce écrite en 1837 peut apporter un éclairage très vif sur notre société et ses dysfonctionnements.
Le retour de Michel Fau au Théâtre du Capitole
Ce n’est pas la première fois que le Théâtre du Capitole de Toulouse accueille une mise en scène signée Michel Fau. La dernière en date était le saisissant Elektra de Strauss qui clôtura la saison 2020-2021 (notre article ici) et nous vous avions aussi parlé du sensationnel Ariane à Naxos là. Pas de doute, sa mise en scène toujours très visionnaire saura encore une fois captiver le public toulousain !
Et vous, avez-vous déjà vu des versions intéressantes de cette pièce de théâtre hors norme ou de ses adaptations ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
