Je vous ai récemment parlé de ma visite du Mémorial de la Shoah où j’ai vu l’exposition consacrée à la musique dans les camps nazis. À cette même occasion j’ai pu voir une autre exposition temporaire, elle aussi très étonnante puisqu’elle met en scène Spirou, le héros de bande-dessinée, que je ne m’attendais certainement pas à rencontrer dans ce lieu de mémoire. Intitulée Spirou dans la tourmente de la Shoah, l’expo ne peut que surprendre : l’association de ce personnage joyeux et de ce pan de l’Histoire du XXème siècle n’a rien d’évident ! Et pourtant, le parcours dans cette exposition s’est révélé passionnant…
Spirou dans la tourmente de la Shoah : changement de registre pour le groom malicieux
Dès mon entrée dans la salle d’exposition, j’ai été frappé par l’atmosphère qui y régnait. Les murs étaient ornés de planches de bande dessinée, mais celles-ci e racontaient pas les aventures habituelles de Spirou & Fantasio. Elles mettaient en scène une histoire sombre et déchirante, celle de la persécution des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
La manière dont l’auteur Émile Bravo a choisi de traiter ce sujet délicat m’a profondément touché. On y découvre un Spirou plus jeune (mais pas non plus celui des albums du Petit Spirou) et à travers les cases, on peut ressentir la peur, la douleur et l’espoir de ceux qui ont été victimes de l’Holocauste. Les personnages que l’on connait si bien reprennent vie dans un contexte complètement différent, confrontés à l’horreur de la Shoah.
Dans les premières pages de “L’Espoir malgré tout” d’Émile Bravo, Spirou, héros belge, assiste à l’invasion de son pays par les troupes allemandes en mai 1940. Face à cette situation, que faire ? Attendre des jours meilleurs ? Résister ou collaborer ? Se révolter contre le sort fait aux Juifs ? Spirou est confronté à une réalité historique et rencontre des personnages qui ont vraiment existé : Felix Nussbaum, peintre juif allemand réfugié en Belgique, et sa femme Felka Platek, artiste elle aussi. Spirou […] c’est également un hebdomadaire créé en 1938, dont le rédacteur en chef Jean-Georges Evrard, dit Jean Doisy (1900-1955), est engagé dans diverses structures antifascistes dès le début des années 1930. Il intègre, dès 1940, le Front de l’indépendance, utilisant le journal et notamment le théâtre de marionnettes le Farfadet (qui inspirera Émile Bravo) comme couverture à ses actions dans la résistance et le sauvetage des Juifs. Certains lecteurs suivront ses conseils et intègreront les rangs de la Résistance.
Spirou dans la tourmente de la Shoah
Entre BD et documents historiques
L’exposition présente de nombreux documents historiques et des témoignages poignants. Ces éléments viennent renforcer le lien entre la fiction de la bande dessinée et la réalité tragique de l’Histoire. Une place particulière est faite à Félix Nussbaum qui a réellement existé et qui devient ici l’un des héros de la fiction. L’exposition s’amuse à mettre en parallèle les œuvres réelles réalisées par le peintre et leur reproduction au sein de la BD.
Ce qui m’a particulièrement touché, c’est la façon dont l’exposition met en lumière le rôle de la bande dessinée comme moyen de résistance et de témoignage. Malgré la censure et la répression, les auteurs ont réussi à transmettre des messages de courage et d’espoir à travers leurs dessins. Le personnage de Spirou lui-même est devenu un symbole de résistance et de solidarité face à l’oppression.
L’exposition Spirou dans la tourmente de la Shoah est un hommage poignant à toutes les victimes de l’Holocauste, mais aussi à la force de la bande dessinée en tant que médium artistique et historique. Elle rappelle combien il est important de se souvenir et d’apprendre de ces événements tragiques, afin de prévenir que de telles horreurs ne se reproduisent.
Comme à chaque fois que je vais au Mémorial de la Shoah, je suis ressorti ému et hanté par ce que j’y ai découvert. Cette exposition m’a aussi rappelé à quel point la bande dessinée peut être puissante et engagée – ce que j’avais déjà pu constater avec la BD Mauss d’Art Spiegelman ou Le Rapport de Brodeck de Manu Larcenet. Les albums d’Émile Bravo – qui font de Spirou un héros sérieux – rappellent également l’importance de lutter contre l’injustice et de faire preuve de solidarité, en tant qu’individus et en tant que société.
Si vous avez l’occasion de vous rendre au Mémorial de la Shoah à Paris, je vous encourage vivement à visiter cette exposition étonnante, visible jusqu’au 30 août 2023.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
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Incroyable ce sujet d’exposition, quelle force !