Déjà à l’affiche depuis un mois, le succès du film italien Il reste encore demain ne se dément pas. Je me suis donc rendu au cinéma ABC pour voir ce long-métrage dont on dit que c’est le plus grand succès transalpin depuis La vie est belle (rien que ça !). Je n’ai pas été déçu du voyage !
Il reste encore demain, beau et populaire
Ce qui marque d’abord dans le film de Paola Cortellesi, c’est sa radicalité esthétique. Le film est en effet intégralement tourné en noir et blanc, un geste fort qui magnifie l’image tout en créant une petite mise à distance. Et il en faut, car le sujet n’est pas évident à aborder. Tout au long de ce film, nous suivons Delia (Paola Cortellesi elle-même, derrière et devant la caméra), femme des années 40 soumise aux codes machistes de son époque, corvéable à merci et quotidiennement agressée par son mari (Valerio Mastandrea, acteur époustouflant et personnage détestable). Pour représenter les terribles scènes de la vie de ce couple, la réalisatrice choisit systématiquement le pas de côté, que ce soit par l’esthétique, la musique ou la mise en scène. Très fort !
Malgré son sujet, Il reste encore demain est un film que l’on peut qualifier de « feel good movie ». De nombreuses scènes donnent le sourire et on ressort du cinéma avec la tête haute. C’est vraiment un tour de force d’avoir fait de ce récit intime un véritable pamphlet féministe à la portée universelle (mais je ne peux pas en dire plus afin de ne rien divulgâcher).
Un cinéma engagé
Malgré ses robes rapiécées, Delia est d’une élégance folle. Elle l’est dans sa manière de protéger ses enfants, d’encaisser les brimades et les coups, de rester digne, de ne pas sombrer dans la rancune ou le désespoir, de s’entêter à être une femme bien. Car c’est difficile d’être une femme dans l’Italie de 1946, à peine sortie de la deuxième guerre mondiale. La culture patriarcale y est encore très forte, même si les femmes viennent d’acquérir (deux ans après les Françaises) le droit de vote. Toutes les femmes présentes dans le film, qu’elles soient principales ou secondaires, subissent d’une manière ou d’une autre le machisme outrancier de l’époque. Tais-toi. Ne pense pas. Obéis. Appartiens à ton mari. Travaille comme une acharnée et pour un salaire indécent. Encaisse les coups sans broncher.
Bâillonnée par une muselière symbolique, Delia courbe l’échine et se tait, sachant que tout ce qu’elle pourrait dire serait immédiatement retenu contre elle. Mais le tour de force de Paola Cortellesi, c’est de faire comprendre aux spectateurs à quel point cette docilité apparente cache une force et une capacité à résister à toute épreuve. Bien camouflée dans la tête de l’héroïne, une idée murit tout au long du film pour nous mener vers son point culminant auquel on ne s’attend pas.
Si vous en avez encore l’occasion, ne manquez pas d’aller voir Il reste encore demain en salle. Ce film prouve une fois de plus que le cinéma italien est en pleine forme. Engagé, esthétique et émouvant, ce film saura vous séduire comme il a déjà conquis l’Italie, puisque dans son pays d’origine, il a déjà battu Barbie et Oppenheimer au box office ! Et pour avoir moi-même vu les 3 films, je vous confirme que Il reste encore demain est de loin le meilleur, aussi bien par sa forme que pour son propos !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.