La compagnie By Collectif a fait trembler le Théâtre du Pavé avec sa revisite du grand classique de Tchekhov Oncle Vania, rebaptisé pour l’occasion Vania, une même nuit nous attend tous. Sur le plateau, un dispositif bi-frontal (deux moitiés du public se font face) met les spectateurs au plus près de l’action. La compagnie By Collectif interroge depuis plusieurs créations la place de l’individu dans le groupe, avec cette fois la question du cercle familial.
Vania, une tragédie familiale
Alors que sur la scène la table est dressée, Marina (Lucile Barbier) est déjà en train de préparer le dîner avant que les spectateurs ne soient entrés dans la salle. Rapidement, le cercle familial se constitue en même temps que les spectateurs s’installent : la timide Sonia (Delphine Bentolila), son oncle Vania (Lionel Latapie), sa grand-mère Maria (Laurence Roy), sa belle-mère Elena (Magaly Godenaire) et son père Alexandre (Nicolas Dandine). On est déjà dans le feu de l’action, mais comme on prend le train en marche, on doit vite faire connaissance avec cette famille à laquelle s’adjoignent les amis : Téléguine (Julien Sabatié-Ancora, qui a dirigé la mise en scène) et Astrov (Stéphane Brel).
Manifestement, de nombreux non-dits empoisonnent cette famille. Ils sont tous porteurs d’un certain regard sur le monde, d’un art de vivre, qui les rend extrêmement profonds et presque réels, et leurs relations permettent de briser une à une les illusions que sont l’argent et l’amour comme source de bonheur.
Une vision actualisée de Vania
Avec les accessoires, By Collectif a fait entrer Vania dans le vingt-et-unième siècle : ordinateur portable, vidéoprojecteur, chaîne hi-fi… On comprend rapidement que l’enjeu de cette pièce n’est pas dans la reconstitution réaliste de l’époque de Tchekhov mais bien dans les relations (intemporelles) entre les individus qui ne se comprennent plus, et ne comprennent surtout plus le monde dans lequel ils vivent et qui se délite.
Dans Vania, Tchekhov raconte l’effondrement du monde extérieur et la réponse très “égocentrée” de l’individu qui résiste au changement. Les personnages témoignent, chacun à leur façon, de leur angoisse et de leur impuissance à agir face au bouleversement du monde. Ils se débattent avec leur solitude mais ils le font ensemble, en communauté, dans le lieu familial, autour d’une table. C’est en cela qu’ils nous ressemblent et qu’ils font preuve d’humanité.
Plaquette du spectacle Vania, une même nuit nous attend tous By Collectif (Théâtre du Pavé)
Entre les métamorphoses que connaissait le monde de Tchékhov (l’entrée dans le vingtième siècle) et les enjeux du monde contemporain, les parallèles sont évidents. Comme si on n’avait d’ailleurs pas tiré le moindre enseignement des leçons données il y a plus de 120 ans… On est toujours aussi démunis face à cette détresse profonde et ce sentiment d’impuissance.
C’était la troisième version d’Oncle Vania que je voyais pour ma part, après celle de Pierre Pradinas en 2015 et celle du Collectif FAR en 2016 (déjà au Théâtre du Pavé), et je dois admettre que je suis toujours aussi fan de cette plume !
Et vous, quel est votre dernier coup de cœur au théâtre ?
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
3 comments
Bonjour, le dispositif est trifrontal, et non bifrontal. Deux regards face à face sur le plateau et un troisième depuis le gradin…
Juste une précision en passant…
Absolument ! Que pensez-vous de ce type de dispositif ?
Nous nous sommes justement fait la réflexion avec Julien quand on nous a annoncé un dispositif bifrontal en arrivant dans la salle qu’en fait il s’agissait plutôt d’un trifrontal si on voulait être précis ! Une première pour moi en tout cas 🙂