Ghost in the shell ou, librement traduit, L’esprit dans la machine. On aurait pu difficilement imaginer un plus mauvais titre pour un film qui, en définitive, est totalement dépourvu d’âme. Dans ce film qui prétend parler de spiritualité, ou l’individu cherche à se définir par son esprit et non sa matérialité, le réalisateur a finalement emprunté au manga dont il est l’adaptation toute l’esthétique sans en saisir la profondeur… Cela dit, le réalisateur en question est Rupert Sanders, qui avait commis en 2012 Blanche-Neige et le chasseur. Etait-il raisonnable d’attendre de sa part un second film de meilleur acabit ?
Dans cette version 2017 de Ghost in the shell, on retrouve l’esthétique et l’atmosphère cyberpunk qui fait l’originalité de l’univers du manga. Rupert Sanders l’a reproduite de manière assez fidèle, sans s’essayer à l’innovation. Au final, peu de surprises à ce niveau-là, mais après tout tant mieux.
Le scénario reprend de manière très affadie les scènes-clés et les personnages du manga des différents films qu’il a inspirés à Mamoru Oshii en 1995 et 2004. En fait, il s’agit en 2017 de faire un film d’action bien léché avec une succession de scènes de combats, idéal pour l’adaptation en jeu vidéo. Car c’est en fait le seul but de ce film : décliner la franchise GITS, notamment sur consoles. A titre d’exemple, un « boss de fin » appelé Spider-tank sort d’on ne sait où dans l’une des dernières séquences et ne sert à rien d’autre qu’à clôturer un niveau… Les scènes de combat sont d’ailleurs assez ridicules et caricaturales : les adversaires, bien que surentraînés, n’atteignent jamais leurs cibles (le décor, lui, vole en éclat), et les héros, même seuls contre dix, parviennent infailliblement à abattre tous leurs ennemis (généralement d’une seule balle, ou même d’un simple coup-de-pied). Absurde ? Oui, mais à l’image de tout le film…
Le manga, qui nous interrogeait aussi bien sur le plan éthique (la modification des corps par les machines, le transhumanisme) que sur le plan philosophique (qu’est-ce qui fait que je suis moi ? quelle différence entre l’âme humaine et l’intelligence artificielle douée de sensibilité ?) abandonne ici toutes ces passionnantes questions pour se concentrer seulement sur celle de l’identité de l’héroïne. Elle cherche à retrouver ses souvenirs, que les vilains méchants lui ont confisqués… Moralité : c’est pas gentil d’être méchant ! Wouah, quelle profondeur !
En définitive, il ne faut surtout pas aller voir Ghost in the shell qui est l’une des plus grosses déceptions SF de ces dernières années. Attendez plutôt le mois d’octobre et la sortie de Blade Runner : 2049, signé par Denis Villeneuve, qui a montré qu’il savait insuffler de l’âme dans la SF comme récemment avec Premier contact, qui nous a ébloui et bouleversé.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
3 comments
Ce n’est pas la perle rare mais on est tout de même loin d’une coquille vide ! Ce film a une esthétique à couper le souffle, le film est rythmé et bien mené par un casting de qualité. Certe 1h47 c’est court pour que l’on percoive la profondeur de chaque personnage mais l’intrigue est bien amenée, les acteurs sont convainquants.
J’en suis sortie ravie !
Si cela vous intéresse voici mon avis complet au sujet de Ghost In The Shell : http://letrangelibrarium.blogspot.fr/2017/03/ghost-in-shell-de-rupert-sanders.html
Bonjour Lady Fae,
Je vous rejoins sur le côté esthétique qui est plutôt joli ainsi que sur le casting que, pour ma part, j’ai assez apprécié. Néanmoins, Scarlett Johansson avait été nettement plus émouvante dans “Her” de Spike Jonze (et alors même qu’elle n’apparaissait pas à l’écran, puisqu’elle prêtait seulement sa voix à une intelligence artificielle) où le film aborde un sujet avoisinant. Dans GITS, je n’ai jamais ressenti d’émotion, aucun trouble ni aucun ébranlement métaphysique… or c’est selon moi le seul intérêt de la SF : nous interroger sur nos dérives et notre place dans l’univers. Sinon, on retombe dans un simple film d’action basique, et c’est ce que je reproche à ce film. Après, en tant que simple film d’action, c’est bien léché, c’est bien goupillé… mais ce n’est pas pour moi, j’ai besoin d’un peu plus.
Bonsoir Julien
En effet le film Her était très bien il faudrait que je le vois en Anglais cependant car je l’ai vu en VF et n’ai donc pu apprécier la performance de Scarlett Johansson !
Mais j’avais beaucoup aimé donc je le reverrai avec plaisir !
Je vous rejoins sur ce point la SF “doit” faire passer un message, questionner…. disons que GITS (ou du moins cette version) est plus à voir comme un bon divertissement SF que comme une réflexion plus profonde et philosophique….
Côté questionnement j’avais eu un gros faible pour Matrix, qui m’a tellement captivé que j’ai fait mon devoir philo de bac L entierrement sur le réel et le virtuel décrochant un 15 !!! Ensuite j’ai vraiment accroché sur Cloud Atlas des mêmes réalisateurs-trices.