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Un air de famille : le succès du Grenier de Toulouse à l’Escale

by Julien
Un air de famille grenier de toulouse

Hier soir, j’ai eu le plaisir d’assister à la représentation d’Un air de famille à l’Escale de Tournefeuille, la célèbre comédie écrite par Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri. On se souvient évidemment tous de son adaptation cinématographique en 1996 par Cédric Klapisch. Cette semaine, c’est la troupe du Grenier de Toulouse qui présente la pièce et nous plonge dans l’intimité d’une famille dysfonctionnelle réunie autour d’une table de café pour un anniversaire. Les membres de cette famille se dévoilent au fil des discussions animées, laissant émerger les tensions et les blessures enfouies.

Un air de famille : 30 ans après sa création, la pièce fonctionne toujours

La salle de l’Escale est bien remplie pour ce spectacle que le Grenier de Toulouse a déjà présenté il y a quelques années. On y retrouve les comédiens que les inconditionnels du Grenier connaissent bien, notamment Pierre Matras (qui est aussi metteur en scène) et Muriel Darras. La mécanique est bien huilée et chaque réplique fait mouche ! Revoir Un air de famille en 2024, c’est la garantie de retrouver le même plaisir qu’à sa création.

Toutes les semaines dans la famille Mesnard, on se réunit au bistrot dont Henri est le patron avant d’aller manger tous ensemble aux ducs de Bretagne. Une belle soirée familiale où chacun « se » retrouve. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de Yolande, la belle-fille. Mais une personne manque à l’appel : Arlette, la femme d’Henri, partie une semaine pour… réfléchir.

Voilà, le mot terrible est lâché : réfléchir. Et à quoi donc ? Il n’y a rien à penser quand on vit dans une bonne famille, bien à sa place… et que l’on sait y rester. Sinon, gare !

Cette pièce célèbre d’Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacri, est une arme redoutable contre l’abêtissement mais aussi un miroir sans pitié des grandeurs et misères de nos chères familles.

Le Grenier de Toulouse
Un-air-de-famille © Isabelle Matras
Un air de famille © Isabelle Matras

Familles, je vous hais !

Au cœur de cette dynamique familiale, on retrouve la mère, matriarche autoritaire et vulnérable, jouée avec justesse par Claire de Beaumont. Elle est la véritable colonne vertébrale de ce spectacle. Alors que dans la pièce originale – que je n’avais pas revue depuis des décennies – j’avais fini par oublier ce personnage, Claire de Beaumont en fait le pivot autour duquel toute la pièce se construit et prend son sens. Une mère qui est un véritable monstre et dont la carapace a été forgée par des blessures plus anciennes. J’ai adoré cet équilibre dans le jeu de la comédienne, entre la dureté et – en filigrane – une certaine fragilité.

Ses enfants Riri, Fifi et Loulou Betty (Laurent Collombert, Samuel Mathieu & Cécile Carles) incarnent chacun à leur manière une forme de repli sur soi, produit d’une éduction très déséquilibrée. Henri le bourru, Philippe l’égocentrique et Betty la revêche. J’ai beaucoup aimé revoir Cécile Carles sur scène, que j’avais adorée il y a quelques années dans le rôle de Sonia dans Oncle Vania (tiens, encore une mal-aimée). Elle apporte une nouvelle couleur au personnage qui avait été créé par Agnès Jaoui, que l’on aurait crue irremplaçable.

Muriel Darras a été une autre excellente surprise de ce spectacle, dans le rôle de Yolande, l’épouse soumise et déconsidérée. Elle est dans cette comédie aux antipodes du personnage terrifiant d’Annie Wilkes (qu’elle a incarné dans Misery) et réinvente totalement le personnage qui avait été joué au cinéma par Catherine Frot. Je l’ai nettement préférée dans ce registre.

Le bémol

Malgré le talent des acteurs et la justesse des dialogues, j’ai été frappé par un léger déséquilibre entre le ton comique omniprésent et le potentiel émotionnel de certaines scènes. Le rire constant du public, bien que contagieux, a parfois occulté les moments où l’on aurait souhaité ressentir davantage d’émotion et de profondeur. Car a bien y réfléchir, il n’y a rien de vraiment drôle dans les événements qui se déroulent dans cette pièce.

Ces rires, c’était déjà ce qui avait été un peu reproché à Misery par Charlotte dans sa critique. Comme si le public essayait coûte que coûte de désamorcer le potentiel malaise de la situation en prenant tout à la dérision. C’est un peu la gageure de ce type de comédie, en équilibre précaire entre le drame et l’humour. À Tournefeuille, le public préfère toujours pencher du côté de la rigolade.


En tous cas, si vous voulez passer une bonne soirée, Un air de famille continue d’être joué à l’Escale de Tournefeuille jusqu’au dimanche 28 avril. Ce spectacle tient sa promesse et vous garantit une soirée divertissante, portée par des performances d’acteurs remarquables. Ne manquez pas cette opportunité !

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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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