La rentrée musicale du Théâtre du Capitole est époustouflante. Avec l’Opéra Rusalka d’Antonin Dvořák, le lancement de la saison 2022-2023 est grandiose ! Le conte lyrique est mis en scène par l’Italien Stefano Poda qui confère au récit toute sa dimension merveilleuse et contemporaine.
Rusalka, une Petite Sirène d’opéra
Alors que Disney nous annonce la resucée prochaine de sa Petite Sirène en Live Action au cinéma, j’ai été ravi de découvrir l’opéra d’Antonin Dvořák que je n’avais jamais entendu et qui fait son entrée au répertoire de l’Opéra National du Capitole.
Rusalka est une créature des profondeurs aquatiques, mais au fond de son lac, la jeune ondine rêve de devenir humaine et découvrir l’amour auprès d’un Prince qu’elle a aperçu sur les rives. Si son Ondin de père tente de la dissuader, la sorcière Ježibaba va pouvoir exaucer son rêve… à certaines conditions : accepter de perdre sa voix quand elle sera humaine, et être damnée pour l’éternité si elle échoue à conquérir le cœur du Prince.
Tous les éléments du conte d’Andersen sont là, adaptés par Jaroslav Kvapil à qui on doit le livret de l’opéra et surtout Antonin Dvořák qui en a composé la musique. Le caractère onirique du conte va se matérialiser au théâtre avec la création d’un immense bassin dans lequel ondins et ondines vont jouer la tragédie.
Les contradictions et les défis de Rusalka
Monter Rusalka n’est pas une mince affaire. C’est même un défi. Imaginez : monter un spectacle dont la moitié de l’action est supposée se passer sous le niveau des eaux. Plus étonnant encore : mettre en scène un opéra dont l’héroïne est, pendant un acte entier… muette ! Tels sont les défis et les contradictions auxquelles se livre tout metteur en scène qui veut monter Rusalka !
Mais Stefano Poda a justement une imagination et un culot suffisants pour passer l’obstacle avec brio et élégance. À la fois metteur en scène, décorateur, costumier, chorégraphe et scénographe, il propose un spectacle total et cohérent très ambitieux. La scène du Théâtre du Capitole est inondée et les chanteurs doivent littéralement se jeter à l’eau pour incarner les personnages de ce conte tragique.
Monter un opéra, c’est pour moi la possibilité de mettre un pied sur un monde parallèle, purement spirituel, qui suscite l’évasion des contingences matérielles. Je refuse par conséquent toute tentative d’actualisation, tout message politique simpliste. Car l’opéra, c’est d’abord, chez moi, la négation du réel.
Stefano Poda
Aleksei Isaev est un Ondin plus vrai que nature, roi Triton des profondeurs aquatiques, il impressionne par sa performance physique et vocale. Le trio principal de l’acte II incarné par Anita Hartig (Rusalka), Piotr Buszewki (le Prince) et Béatrice Uria-Monzon (la Princesse étrangère) forme un triangle amoureux terrifiant, avec un jeu de dédoublement kaléidoscopique redoutable. Quant à la sorcière Ježibaba, magnétique et toute-puissante, elle est incarnée par Claire Barnett-Jones tout droit sortie d’un film de science-fiction ou d’horreur. Fascinant !
Si vous avez l’occasion, ne manquez pas d’aller voir ce premier spectacle de la saison au Théâtre du Capitole. Pour une fois, les places Prestige au parterre sont moins intéressantes que les Catégories 1 et 2 au balcon et dans les galeries, car il faut un point de vue légèrement plongeant pour apprécier pleinement la scénographie imaginée par Stefano Poda (surtout aux actes I et III).
Le spectacle sera rejoué mardi 11 et vendredi 14 octobre à 20 heures, et dimanche 16 octobre à 15 heures. En ce qui me concerne, je serai à nouveau présent pour la dernière.
Et vous, irez-vous voir Rusalka à l’Opéra National du Capitole cette semaine ? Pour réserver, c’est ici.
© Toutes les photos (dont celle de couverture) sont de Mirco Magliocca
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.