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Roméo et Juliette ouvre la saison au Théâtre de la Cité

by Julien
Roméo et Juliette Théâtre de la Cité Guillaume Séverac-Schmitz © Fabien Sans Image

Le premier spectacle de la saison 2025-2026 au Théâtre de la Cité a vraiment beaucoup plu aux adolescents qui étaient dans la salle, à l’instar du Tartuffe et de Richard III présentés au même endroit en 2021 et 2023. Ils étaient clairement au taquet après la représentation. De mon côté, j’avais été un peu plus réservé après avoir vu ses 2 premières pièces, et cette version revisitée de Roméo et Juliette n’a fait que confirmer ce petit sentiment de décalage avec la jeune génération.

Roméo et Juliette, version burlesque

Guillaume Séverac-Schmitz reprend le matériau shakespearien, c’est à dire une pièce à la fois extrêmement triviale et en même temps d’une grande puissance poétique et tragique. Mais il semble avoir surtout voulu accentuer le côté burlesque. Que ce soit la nouvelle traduction ou bien la gestuelle des personnages, on n’est pas souvent dans la finesse (ce qui est d’ailleurs dans l’ADN de Shakespeare) et tout cela se fait hélas au détriment du sublime (car oui, il y a aussi cet aspect-là dans l’écriture de l’ami Willy). La distribution étonne, avec une nourrice qui semblerait plutôt être la petite sœur de Juliette – mais qui a une très belle énergie – et Clémence Coullon, dans le premier rôle féminin, qui fait du Florence Foresti de bout en bout et avec peu de nuances… une direction qui semble un peu étrange pour un personnage si ancré dans l’imaginaire collectif.

À part en ce qui concerne Philippe Smith (qui joue le frère Laurent), on n’est jamais loin de la parodie et on est rarement dans la sincérité. On sent qu’on a voulu soustraire aux personnages tout ce qui pouvait leur conférer un peu de grandeur d’âme. La volonté de monter Roméo et Juliette n’en paraît donc que plus saugrenue, car si on voulait voir des personnages complètement triviaux, il y a suffisamment de mauvaises pièces qui en regorgent sans aller les chercher chez Shakespeare. On ne sent pas beaucoup d’affection pour ces personnages (ni dans la mise en scène, ni dans l’interprétation) et j’ai surtout eu l’impression que le metteur en scène adhérait à la critique prononcée par le frère Laurent : les jeunes gens aiment avec les yeux et non avec le cœur. Car effectivement, du cœur, on n’en a pas beaucoup vu.

Du bon et du moins bon

Le rôle donné au Prince de Vérone (Lydia Shelley) est un parti pris vraiment intéressant. Beaucoup plus présent grâce à son violoncelle qui enveloppe la pièce de sa musicalité, et en lui confiant les seules répliques dans l’anglais de Shakespeare (et non dans la nouvelle traduction de Clément Camar-Mercier), Séverac-Schmitz donne à ce personnage plus de densité et propose ainsi une lecture de la pièce plus politique que romantique. Il est l’âme de la pièce, au détriment des personnages éponymes.

Roméo et Juliette Théâtre de la Cité Guillaume Séverac-Schmitz © Fabien Sans Image
Roméo et Juliette, répétition au Théâtre de la Cité (mise en scène : Guillaume Séverac-Schmitz) © Fabien Sans Image

Grosse déception en revanche sur le plan de la scénographie… Alors oui, le théâtre shakespearien revendique sa théâtralité, les changements se font à vue, etc. mais franchement, un petit effort technique aurait vraiment pu tout changer. Les lumières sont véritablement hideuses. Quand on sait ce que l’on peut faire de nos jours sur le plan technique (les lumières chez Pommerat ou chez Shechter font 50% du spectacle), on peut s’interroger sur la pertinence d’avoir à disposition un CDN si c’est pour faire une création aussi pauvre sur ce plan-là. Je suis très dubitatif…

Une Roméo (pas la voiture, hein…)

Bonne idée en revanche que le choix de Marine Gramond dans le rôle de Roméo. Déjà, c’est un joli pied de nez au théâtre élisabéthain, dans lequel les femmes ne pouvaient pas monter sur la scène et où, de fait, c’était Juliette qui était jouée par un jeune homme.

Mais c’est surtout une belle façon de rendre sa jeunesse et sa fraîcheur au personnage adolescent. En effet, les acteurs de plus de 25 ans sont rarement crédibles dans des rôles masculins beaucoup plus jeunes. Problème de mue, de carrure, de pilosité… Pommerat l’a bien compris quand il a confié tous ses rôles de jeunes garçons à une équipe entièrement féminine dans Contes et légendes. On oublie au bout d’une seule minute toute les questions de genre. Marine est Roméo et ça marche à fond !

Un metteur en scène qui fait aimer le théâtre aux jeunes

Après avoir assisté pour la troisième fois à un spectacle de Guillaume Séverac-Schmitz, ce qui était un a priori devient peu à peu une opinion : ce metteur en scène s’adresse aux jeunes (la réception auprès de ce public est unanimement positive). Et on ne peut que s’en réjouir. Même si, à titre personnel, je n’arrive que difficilement à rentrer dans les univers qu’il propose, il faut reconnaître qu’il a le mérite de faire aimer le théâtre aux nouvelles générations, et ça c’est une vraie gageure.

Des metteurs en scène comme Guillaume Séverac-Schmitz sont vraiment nécessaires dans le monde contemporain du théâtre, surtout si on veut renouveler les publics (parfois vieillissants) et convaincre les plus jeunes que oui, des pièces écrites en 1597 ça parle encore de nous, aujourd’hui et maintenant.

Roméo et Juliette 02.10.2025 Théâtre de la Cité Guillaume Séverac-Schmitz © Culture déconfiture
Roméo et Juliette le 02.10.2025 au Théâtre de la Cité (mise en scène : Guillaume Séverac-Schmitz) © Culture déconfiture

Le geste artistique n’est finalement pas si éloigné de celui de Baz Luhrmann il y a 30 ans, même si, à mon goût, la prestation de Claire Danes dans le rôle de Juliette est totalement incomparable. Mais vous avez l’idée : on décontextualise, on fait entendre la modernité du texte, et hop : « emballez, c’est pesé ! »


Si vous voulez découvrir cette nouvelle version de Roméo et Juliette (et surtout la faire découvrir à vos ados), rendez-vous au Théâtre de la Cité jusqu’au 8 octobre prochain. Les représentations affichent complet sur le site, mais il y a de fortes chances que vous trouviez un fauteuil en dernière minute.

Qui a écrit cet article ?

culture déconfiture Julien

Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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2 comments

Sunn 5 octobre 2025 - 19 h 16 min

Super critique! A part pour le jeu du premier rôle féminin (aouch! comparaison très dure!) J’ai trouvé ce spectacle sympa (mais je me rends compte que le mot est un peu condescendant).

Reply
Allychachoo 6 octobre 2025 - 9 h 58 min

Forcément, ta référence à Baz Luhrmann m’intrigue… 😉

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