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Galin Stoev met en scène Oncle Vania au Théâtre de la Cité

by Julien
Oncle Vania _Liebig Galin Stoev

Oncle Vania d’Anton Tchekhov est ce que l’on appelle un classique. J’en veux pour preuve le nombre de fois où le spectacle a été à l’affiche au cours des dernières années. En 2021, je vous parlais de son adaptation sous le titre Vania, une même nuit nous attend tous par By Collectif que j’avais adorée. En 2016, le collectif FAR avait également proposé sa version, sobrement intitulée Vania. Un an plus tôt, en 2015, j’avais déjà vu Oncle Vania dans la mise en scène plutôt ennuyeuse de Christian Benedetti avec Romane Bohringer.

Pour commencer 2023, le directeur du Théâtre de la Cité Galin Stoev s’est proposé de donner sa propre vision du chef-d’œuvre de Tchekhov dans une traduction à laquelle il a lui-même participé. Alors, quel verdict pour cette nouvelle adaptation d’Oncle Vania ?

Oncle Vania à l’heure de la collapsologie

Galin Stoev est un metteur en scène ambitieux. Ses mises en scène sont souvent spectaculaires et il aime bousculer les habitudes. Artiste de notre époque, il aime faire rimer ses spectacles avec les préoccupations du monde contemporain. C’est pourquoi son Oncle Vania est transposé dans un futur proche, dystopique, juste après l’effondrement du système actuel. Le domaine de Sonia et de sa famille est donc transformé en une sorte d’espace collectif, autosuffisant avec ses poules et son groupe électrogène, retiré à la campagne, où l’on se débrouille avec un peu de récup’ et les moyens du bord. Système D, donc.

[….] de plus en plus de gens quittent les villes pour s’installer à la campagne renouant avec la nature dans une démarche respectueuse de l’environnement. De petites communautés qui ont pour but de réinventer le vivre ensemble et d’arriver à entrevoir un espoir pour l’avenir. Sauf qu’ici, chez Tchekhov, on a affaire à une très mauvaise constellation de personnages qui, à force d’avoir accumulé des frustrations émotionnelles, intellectuelles et sexuelles, se retrouvent face à leurs propres démons destructeurs.

Galin Stoev, feuille de salle d’Oncle Vania
Oncle Vania _Liebig Galin Stoev
Sébastien Éveno (Vania) et sa poule dans Oncle Vania mis en scène par Galin Stoev © Marie Liebig

La dernière fois que Stoev s’était attaqué à Tchekhov, c’était avec la pièce IvanOff. Le résultat avait divisé les spectateurs tant il avait pris de distance avec le texte d’origine et la structure de la pièce. En dépit de sa recontextualisation, sa proposition pour Oncle Vania reste beaucoup plus proche de la pièce telle qu’on la connaît et il a su davantage convaincre son public, notamment grâce à ses talentueux interprètes.

Des personnages incarnés

Oncle Vania, c’est d’abord une histoire de famille. Après la mort de Véra, le domaine familial a été transmis à sa fille Sonia, qui s’en occupe avec son « tonton » Vania. Après des années de labeur et de sacrifices, le père de Sonia – professeur réputé – revient s’installer sur le domaine avec sa nouvelle femme Éléna. Les journées sont rythmées par les repas et les thés bus autour du samovar. Occasionnellement, la famille reçoit la visite d’Astrov, médecin pour lequel Sonia nourrit un amour secret. Mais la présence d’Éléna fait tourner toutes les têtes et brise l’équilibre que la communauté avait su bâtir.

J’ai été ravi de retrouver Suliane Brahim (sociétaire de la Comédie-Française) dans cette adaptation d’Oncle Vania. La première fois que j’ai vu cette actrice au théâtre, c’était en 2011 dans Le Jeu de l’Amour et du Hasard dont Galin Stoev signait déjà la mise en scène. Les retrouvailles entre l’actrice et le metteur en scène sont plutôt heureuses et en lui confiant le rôle d’Éléna, Stoev lui donne l’opportunité d’incarner l’un des personnages les plus fascinants du théâtre du vingtième siècle. Suliane Brahim parvient à insuffler au personnage tout ce qu’il lui faut de mélancolie, de superficialité et de magnétisme.

Oncle Vania _Liebig Galin Stoev
Sébastien Éveno (Vania) et Cyril Gueï (Astrov) dans Oncle Vania mis en scène par Galin Stoev © Marie Liebig

Deux sociétaires honoraires de la Comédie-Française lui donnent la réplique : Catherine Ferran qui incarne la Nounou et Andrzej Seweryn, dans le rôle d’un professeur tête-à-claques que l’on a littéralement envie d’étrangler.

Tout au long de la pièce, on entend le public rire des situations. Alors que Tchekhov a parfois la réputation (non méritée) d’être un auteur ennuyeux, Stoev a su traduire la force comique de sa pièce. Sébastien Éveno (Vania), Cyril Gueï (Astrov) et Élise Friha (Sonia) portent quant à eux le discours plus profond du drame, notamment toutes les réflexions sur la crise environnementale et la responsabilité des générations successives les unes par rapport aux suivantes.

Si vous voulez découvrir cette nouvelle version d’Oncle Vania, c’est encore possible ce soir à 20h30 au Théâtre de la Cité.

Photo de couverture : © Marie Liebig

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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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