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Les Chutes, Joyce Carol Oates [CRITIQUE]

by Julien
Les chutes joyce carol oates

Une des lectures fortes de l’été dernier, ce fut le roman Les Chutes de Joyce Carol Oates. J’ai été totalement aspiré par cette histoire passionnante et les personnages imaginés par la romancière. Les « chutes » en question, ce sont les Niagara Falls – les Chutes du Niagara – près desquelles Ariah passe sa nuit de noces. Tous les ans, des milliers de visiteurs viennent contempler ces merveilleuses chutes. Et certains d’entre eux y viennent… pour se suicider.

Retour sur une lecture qui m’a bouleversé !

Les Chutes, une plongée dans les profondeurs de l’âme humaine

Dans ce roman, nous suivons une série de personnages. La mariée Ariah Littrell, l’avocat Dick Burnaby, et trois jeunes gens : Chandler, Royall et Juliet. Le style de Joyce Carol Oates cisèle avec précision l’intimité de ces personnages, qui occupent à tour de rôle le devant de la scène.

On ne sait pas bien dans les premiers chapitres où le roman va nous entraîner, mais on se laisse porter par le fil de la narration et son rythme cahoteux. Est-ce un roman d’amour ? Un portrait de femme ? Une affaire judiciaire ? Joyce Carol Oates joue sur tous les tableaux à la fois, ce qui n’a pas été pour me déplaire.

J’ai particulièrement aimé tous les chapitres autour de l’avocat Dirk Burnaby et l’affaire dite de « Love Canal », dont je n’avais jamais entendu parler mais qui fut un terrifiant scandale sanitaire et politique des années 70. Lorsque la machine judiciaire se met en route, impossible de faire machine arrière. J’ai été totalement happé par cette reconstitution comme je l’avais été par La Serpe il y a quelques années.

Ariah, une anti-héroïne flaubertienne

J’ai beaucoup pensé à Flaubert en lisant Les Chutes, en raison du tempérament très complexe de son héroïne Ariah qui, par bien des aspects, rappelle Emma Bovary. Tour à tour naïve, amoureuse, disjonctée, inconsistante, totalitaire, futile, possessive, manipulatrice, émouvante, fuyante… attachiante ! Ariah échappe au catalogage facile.

La narration est elle aussi pleine de mystère. Qui dit « je » ? Qui dit « nous » ? Qui raconte cette histoire ? N’y a-t-il qu’un seul narrateur ou plusieurs points de vue ? C’est au lecteur de faire la part des choses, de départager les faits réels de ceux imaginés par les personnages, ou accepter ce qui restera en suspens et n’aura pas d’explication définitive comme les personnages qui devront composer avec les non-dits.

Au-delà de la trajectoire des personnages, Joyce Carol Oates fait aussi le portrait d’une époque, la bascule du rêve américain à la prise de conscience que le progrès industriel ne peut exister sans son cortège de calamités : le cynisme des nantis, l’exploitation des faibles, la pollution industrielle, le développement des maladies professionnelles, la corruption, la collusion entre notables et la justice bafouée.

N’en disons pas plus sur Les Chutes. Plongez dans le livre, vivez l’ivresse des grandes profondeurs (psychologiques) et laissez-vous emporter au-delà du point de non retour… jusqu’à la chute !

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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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