Le Festival de Toulouse a continué de battre son plein ce mercredi soir, avec une soirée placée sous le signe du dialogue entre musique et cinéma. À l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines, le trio formé par les frères Leleu – Romain à la trompette et Thomas au tuba, tous deux lauréats des Victoires de la musique classique – et le pianiste David Bismuth, très apprécié du public toulousain, a proposé un programme aussi original que séduisant.
Un concert cinéphile et virtuose avec les Leleu Brothers
L’idée du projet ? Revisiter de grands thèmes du cinéma du XXe siècle à travers une relecture savante, exigeante mais accessible. Chaque œuvre interprétée faisait écho à un film emblématique, créant des passerelles sensibles entre le langage musical et l’imaginaire cinématographique. Ainsi sommes-nous parti des années 30 avec les partitions de Kurt Weill (en commençant par la chanson Youkali, que j’avais découverte lors d’un récital de Sabine Devieilhe) jusqu’à un medley final inspiré par Jacques Demy (Les Moulins de mon cœur, La chanson de Maxence et Les Parapluies de Cherbourg).
De bandes originales revisitées à des classiques transfigurés, le trio a su insuffler une nouvelle vie à ces musiques familières, en jouant sur la puissance évocatrice de leurs instruments. Je ne me serais jamais douté, par exemple, qu’il y avait une telle proximité entre Tears in heaven d’Eric Clapton et le canon de Pachelbel. Pourtant, les frères Leleu ont osé le mashup avec Tears for Pachelbel, un temps fort du concert.
La complicité entre les musiciens et la fluidité des arrangements ont offert un moment à la fois brillant et touchant, capable de ravir aussi bien les mélomanes que les cinéphiles. Parfois, les deux frères ont laissé la scène à David Bismuth pour des solos au piano, nous régalant du Clair de Lune de Debussy (en référence à Ocean’s eleven) d’un Nocturne de Frédéric Chopin (immortalisé dans Le Pianiste) et du thème de La Leçon de Piano de Michael Nyman.
La trompette, voix de l’émotion
S’il fallait retenir un élément particulièrement marquant de la soirée, ce serait sans doute la performance de Romain Leleu. Ce n’est pas un hasard si la trompette est mon instrument préféré. Et cette soirée l’a confirmé ! Ses sonorités ont su porter les élans lyriques comme les nuances plus intimes, apportant un supplément d’âme et d’émotion. Manhã de Carnaval de Luis Bonfa, entendu dans Orfeu Negro et interprété avec une sourdine, fut un véritable moment suspendu. C’est cette émotion palpable et cette intensité qui m’avaient un peu manqué lors du concert de la veille sur le thème de l’Amérique du Sud (la performance prenait un peu trop le pas sur l’émotion).
Dans l’écrin acoustique et chaleureux de l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines, ce dialogue entre musique savante et cinéma a offert au public un moment de virtuosité et de douceur. En bref, ce fut un très beau voyage musical, témoignant de la vitalité du Festival de Toulouse dont les concerts sont encore prévus jusqu’à vendredi.
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.