À Città di Castello, ville natale d’Alberto Burri, la Fondation Alberto Burri rend un hommage monumental à cet artiste italien qui a su faire dialoguer peinture, sculpture et architecture. Médecin de formation, prisonnier de guerre aux États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale, Burri s’est tourné vers l’art à son retour. Très vite, il a délaissé le pinceau traditionnel pour travailler directement la matière : toiles de jute, plastiques brûlés, fer rouillé, bois carbonisé… Chez lui, la surface devient un champ d’expérimentations tactiles et visuelles. Et même si je ne suis pas un grand fan d’art contemporain, je dois dire que j’ai été assez surpris par ce musée gigantesque qui lui est entièrement dédié.
Alberto Burri, l’alchimiste de la matière
La visite de la Fondation, répartie entre le Palazzo Albizzini et les vastes espaces des Ex Seccatoi del Tabacco (anciens séchoirs à tabac). Pour ma part, je n’ai visité que le deuxième espace, où l’on découvre surtout son cycles consacré aux Cellotex. Chacun témoigne d’un dialogue radical avec la matière et le temps.
Dans les Sacchi, les sacs de jute rapiécés portent encore les traces d’usure, d’effilochages et de déchirures, élevant le rebut au rang d’icône. Les Combustioni transforment le feu en pinceau, laissant la chaleur modeler le plastique jusqu’à créer des paysages d’abîmes et de cicatrices. Les Cretti, fissures monumentales peintes en blanc ou en noir, évoquent des terres asséchées et rappellent la puissance tellurique de la nature.
Entre Burri et Soulages : un noir de lumière
Face à certaines œuvres, notamment les grands Cellotex noirs, l’esprit ne peut s’empêcher de penser à Pierre Soulages (dont je vous avais parlé ici et Allychachoo là). Comme le peintre français, Burri explore le noir non pas comme absence, mais comme révélateur de lumière. Les reliefs, stries et variations de surface jouent avec l’éclairage, créant un dialogue mouvant entre opacité et éclat. Là où Soulages privilégie la pureté gestuelle de la peinture, Burri laisse la matière elle-même « écrire » sa texture, mêlant accident et maîtrise.

Une expérience sensorielle et méditative
La Fondation Alberto Burri offre une expérience presque physique : le regard glisse, bute, se perd dans les interstices, et l’on se surprend à imaginer le geste, la chaleur, la lenteur du craquèlement. Cette alliance d’austérité et de sensualité donne l’impression d’avoir traversé un paysage mental, entre gravité et lumière. Même si cette visite ne m’a pas spécialement réconcilié avec l’art contemporain, il me faut quand même admettre que Burri, comme Soulages, sait utiliser la matière brute pour ouvrir des portes vers l’invisible.

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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.








