Britannicus est le fils de l’empereur de Rome Claude et de la reine Messaline. Après la mort de cette dernière, Claude épouse Agrippine, qui a déjà eu un fils d’un précédent mariage, le jeune Néron, que Claude adopte. Lorsque Claude meurt, deux successeurs sont donc en lice : Britannicus (le fils naturel) et Néron (le fils adoptif). Selon le droit d’aînesse et grâce aux machinations d’Agrippine, c’est Néron qui est couronné empereur. Or, s’il épousait la princesse Junie (descendante d’Auguste) Britannicus pourrait à nouveau faire valoir son droit et reprendre le pouvoir à Rome. Néron fait donc enlever cette dernière et répudie sa propre épouse Octavie afin de faire de Junie sa nouvelle femme, et soustraire à Britannicus sa seule chance de reprendre le pouvoir. En une seule journée, de destin de Rome va basculer et l’empereur Néron va devenir le tyran que l’histoire a retenu.
Britannicus est l’une des plus célèbres tragédies de Racine, qu’il a écrite alors qu’il avait trente ans en 1669. Contrairement à Phèdre ou Iphigénie, il n’emprunte pas à la mythologie pour imaginer cette pièce mais à l’Histoire romaine – plus particulièrement à Tacite – à l’instar de Bérénice.
Cette tragédie est assez complexe en ce qui concerne les relations entre les personnages. Les liens de parentés sont entremêlés et les ancêtres sont souvent évoqués sans être présentés, car l’on considère que la culture du lecteur/spectateur doit suffire (mais ce n’est pas toujours le cas). Certains personnages directement concernés par l’intrigue n’apparaissent jamais sur la scène, comme par exemple la reine Octavie (sœur de Britannicus et épouse de Néron) qui représente pourtant un obstacle de plus au mariage de Néron et Junie.
Deux axes se dessinent dans cette pièce. Le premier est politique bien sûr. Racine nous raconte le début du règne de Néron, un empereur exemplaire qui, mal conseillé, va sombrer dans la paranoïa et la tyrannie jusqu’à manigancer le meurtre de son beau-frère. Les personnages qui machinent dans l’ombre du pouvoir sont les plus nombreux dans cette pièce : la reine-mère Agrippine (qui veut retrouver son influence), le gouverneur Burrhus (qui cherche à faire de Néron un prince éclairé) et le vil Narcisse (qui veille par ses conseils maléfiques à construire sa propre fortune). Le second axe de la pièce est sentimental et psychologique, puisque la pauvre Junie se voit prise au piège entre son amant Britannicus et l’empereur Néron qui veut la contraindre au mariage. Néron quant à lui tente peu à peu de s’émanciper de l’influence qu’ont toujours exercé sur lui sa mère Agrippine et son gouverneur Burrhus.
Contrairement à ce que le titre semble indiquer, Britannicus est loin d’être le personnage principal de cette pièce. Il en est la victime tragique certes, mais ce que nous montre Racine, ce sont surtout les rouages du pouvoir et la spirale psychologique qui vont conduire un empereur exemplaire à devenir un tyran et un meurtrier. Britannicus quant à lui fait figure de joli cœur naïf : il croit aveuglément aux propos de sa belle-mère, de sa fiancée, de son gouverneur ou de son beau-frère sans jamais se douter de ce qui se trame contre lui ; il sur-réagit stupidement au moindre revers de fortune ; il subit chaque événement et n’entreprend jamais aucune action pour triompher et reprendre ce qui lui devrait lui revenir de droit (le cœur de Junie et la couronne impériale). C’est clairement l’un des pires héros de la littérature et du théâtre !
Et vous, que pensez-vous de cette tragédie racinienne ? Connaissez-vous des mises en scène particulièrement remarquables de cette pièce, et laquelle avez-vous préférée ?
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
