Home À lire Louvre, de Josselin Guillois [CRITIQUE]

Louvre, de Josselin Guillois [CRITIQUE]

by Julien
Louvre josselin Guillois avis critique

Il y a quelques semaines, nous avons été contactés par les éditions POINTS pour découvrir un nouveau roman sobrement intitulé Louvre, signé Josselin Guillois. Le bandeau précisait : “L’incroyable histoire du déménagement du Louvre“, il n’en fallait pas plus pour aiguiser notre curiosité.

En résumé

L’histoire se déroule entre 1939 et 1942. Les Allemands occupent la France et le directeur des Musées nationaux Jacques Jaujard décide de tout mettre en œuvre pour sauver les collections du Louvre, sur lesquelles il craint que les nazis fassent main-basse (et commettent un éventuel auto da fé). C’est ainsi que commence un véritable déménagement qui vise à mettre en sûreté les merveilles du Louvre, d’abord au château de Chambord, avant de repartir pour Loc-Dieu en Aveyron, ou encore les sous-sols du Musée Ingres de Montauban, et d’autres destinations mystérieuses des quatre coins de la France.

Le récit est raconté par trois femmes à trois moments forts de cette grande aventure : Marcelle Jaujard lors de l’été 1939, Carmen Leloup (fille des conservateurs de Chambord) au printemps 1940, et Jeanne Boitel (comédienne et Résistante) en hiver 1942. C’est le choix de ces voix narratives féminines qui fait l’originalité de ce récit.

Port de mer avec l’embarquement de Sainte-Ursule, de Claude Lorrain dont Hermann Goering fait une description mémorable

L’avis de Julien

J’ai particulièrement été séduit par le contexte de cette histoire. Un mélange de récit de Résistance et de déclaration d’amour à l’art, deux thèmes très forts et ici intrinsèquement liés. Le fait que ce soient trois femmes qui racontent cette histoire m’a un peu déboussolé : leurs préoccupations personnelles prennent le pas sur la grande Histoire et de nombreux passages sont centrés sur leur libido, le désir d’enfant, la puberté, des problèmes de poils… Un axe déroutant et pourtant intéressant, puisque cela nous permet de réfléchir quelques instants à la manière dont les femmes – ou plutôt les corps des femmes – sont traditionnellement représentés dans l’art (de la Vénus de Milo à la Grande Odalisque, en passant par la Joconde et autres superstars picturales). Le point de vue qui nous est apporté par cette narration au féminin nous permet d’observer les conséquences que ces représentations ont eu et peuvent encore avoir.

La partie que j’ai préférée est incontestablement la troisième, centrée sur le personnage de Jeanne Boitel, grande comédienne française des années 30, qui refusa de jouer pendant l’occupation et entra en Résistance. Sa rencontre avec Hermann Goering et les échanges dont elle fut le témoin sont vraiment originaux, même s’ils sont assez peu fiables sur le plan historique et largement inventés par Josselin Guillois, qui s’est un peu lâché en terme de réécriture de l’Histoire. Ces passages, que l’on doit à l’imagination de l’auteur, permettent cependant de prendre du recul sur les points de vue pluriels que les nazis avaient sur l’art en général, et celui du vingtième siècle en particulier.

Au final, ce livre m’a rappelé d’assez loin celui de David Foenkinos intitulé Charlotte, qui se centrait sur la même période et parlait également avec force des liens entre nazisme et création artistique. Ce livre m’avait beaucoup marqué à l’époque de sa publication, mais je ne suis pas sûr que Louvre me laissera un souvenir aussi impérissable.

L’avis de Charlotte

Quand Julien m’a passé Louvre, forcément j’ai été intriguée et j’avais extrêmement envie de le lire. C’est que j’ai un rapport particulier au musée du Louvre, ayant arpenté ses salles pendant des heures et des heures lors de mes études à l’Ecole du Louvre et c’est un lieu qui a une importance émotionnelle importante dans mon histoire.

Que c’est étonnant de s’atteler à l’histoire du déménagement rocambolesque du Louvre pendant la seconde guerre mondiale sous le regard de protagonistes féminins débordant d’hormones. Comme Julien, cela m’a un peu dérouté aussi, mais j’ai fini par trouver un certain charme à ces histoires de femmes aux rôles essentiels dans un monde qui se veut masculin, entre un conservateur en chef Jacques Jaujard dont on a du mal à comprendre parfois la fascination qu’il exerce sur sa femme et sa maitresse, et des nazis au pouvoir dans une traque aux chefs-d’œuvre effrénée.

Ce que j’ai aimé dans Louvre, c’est surtout bien entendu ce rapport aux œuvres omniprésents. Je me dis que peut-être cela risque d’être lassant pour certains non amateurs d’art, car le name dropping de grands peintres est incessant. Mais j’avoue que pour le coup, je me suis retrouvée dans mon élément et j’ai adoré me représenter l’affichage de l’époque, d’imaginer ses œuvres iconiques de l’histoire de l’art dans des caisses, tenter de ressentir les émotions devant ses histoires peintes… C’est cette atmosphère particulière qui m’a surtout plu dans le roman.

Du coup, je me suis interrogée : qu’est-ce qui a poussé Josselin Guillois à écrire sur ce sujet si particulier ? Quel est le rapport intime de cet auteur avec le musée du Louvre pour écrire une histoire si particulière pour un tout premier roman ? Pourquoi cette mise en valeur si particulière de ces trois femmes, notamment Marcelle, la femme de Jacques, dont la psyché m’a totalement interloquée ? Je n’ai pas la réponse, mais on sent que le sujet l’a transporté.

Un regret ? Ne pas avoir suivi un peu plus La Joconde dans le sud-ouest bien entendu 😉

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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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3 comments

guillois 5 octobre 2020 - 21 h 53 min

« Du coup, je me suis interrogée : qu’est-ce qui a poussé Josselin Guillois à écrire sur ce sujet si particulier ? Quel est le rapport intime de cet auteur avec le musée du Louvre pour écrire une histoire si particulière pour un tout premier roman ? Pourquoi cette mise en valeur si particulière de ces trois femmes, notamment Marcelle, la femme de Jacques, dont la psyché m’a totalement interloquée ? »

Hanté, hanté, hanté, trois fois hanté. Par le Louvre. Et pourquoi ne pas entrer dans un art par un autre ? Depuis 15 ans, comme K. la porte du Château, je cherche à forcer le portail de la littérature. Une ouverture s’est faite, et c’est celle de la peinture. Bien sûr, quelle magie, comme chez Lewis Carroll. Donc, j’ai écrit cette histoire en transe, pendant 9 mois, gestation à peine métaphorique. Et tout s’est ouvert dès lors.

Merci à tous les deux pour votre article ! je retourne à l’écriture du deuxième.

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Allychachoo 8 octobre 2020 - 19 h 17 min

Très belle entrée en tout cas 🙂 J’ai vraiment été très sensible à l’évocation de tous ces chefs-d’œuvre du Louvre. A bientôt pour la lecture de votre deuxième roman alors 🙂

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Guillois 1 avril 2022 - 8 h 42 min

Chère Alinachoo, cher Julien

Vous aviez été intéressés par la lecture de mon premier roman Louvre, et je vous en remercie encore. Ces choses-là comptent beaucoup pour un jeune auteur.
Je suis heureux de vous annoncer que mon deuxième vient de sortir. J’ai cherché à mettre tant de rage et de couleur et de tendresse dans ce livre (pendant 18 mois d’écriture)…Ça a été une aventure assez bouillonnante, et fiévreuse. Maintenant qu’il est hors moi, je ne sais plus qu’en penser. En tout cas, la joie de le voir vivre est grande, et la fébrilité aussi. J’espère qu’il vous fera quelque chose. N’hésitez pas à me dire !
Bien amicalement,
Josselin Guillois

https://www.seuil.com/ouvrage/le-coeur-d-un-pere-josselin-guillois/9782021495430

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