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Thaïs, visions marmoréennes au Capitole

by Julien
Thais Stefano Poda © Mirco Magliocca

Le premier spectacle de la saison 2025-2026 à l’Opéra National du Capitole marque le retour de Stefano Poda dans la ville rose. C’est déjà la troisième fois qu’il inaugure la saison : après une Rusalka sensationnelle en 2022 et Nabucco l’an dernier, le metteur en scène italien s’attaque cette fois à un opéra en français, signé Jules Massenet. Et comme toujours avec lui, on retrouve un univers immédiatement identifiable, fait de signes et de codes qu’il s’approprie avec constance.

Thaïs, dans le style de Poda

Thaïs, c’est d’abord l’histoire d’un cénobite (Athanaël) qui s’est juré de ramener une hétaïre dans la lumière de Dieu. La courtisane Thaïs, servante de Vénus, est alors tiraillée entre sa vie fastueuse de pécheresse et le chemin de rédemption que lui offre Athanaël. Mais le saint homme pourrait payer au prix fort sa tentative pour ramener Thaïs dans le droit chemin…

Thais Stefano Poda © Mirco Magliocca
Des costumes toujours aussi somptueux… Jean-François Borras (Nicias) & Rachel Willis-Sørensen (Thaïs) © Mirco Magliocca

Ce récit en 3 actes, inspiré d’un roman d’Anatole France, a bien sûr était remanié par le metteur en scène Stefano Poda, dont on sait que la signature artistique est particulièrement forte. Dreadlocks, tresses savamment ordonnées, robes fluides, décors de marbre glacé : tout le vocabulaire Poda est là. On retrouve par exemple tout au long des trois actes le motif des ailes de Nabucco (« Va, pensiero, sull’ali dorate ») ou de la lune de Rusalka. On aime ou pas, mais impossible de rester indifférent face à des tableaux d’une telle expressivité.

Thais Stefano Poda © Mirco Magliocca
Thaïs, mis en scène par Stefano Poda © Mirco Magliocca

L’acte III m’a particulièrement marqué : le décor de mains souffrantes ou suppliantes m’a directement ramené au Temple Blanc de Chiang Rai, œuvre délirante de l’artiste thaïlandais Chalermchai Kositpipat. Même foisonnement, même impression d’un monde à la fois mystique et inquiétant.

Temple Blanc (White Temple ou Wat Rong Khun) à Chiang Rai © Culture déconfiture
Au premier plan, les mains suppliantes du Temple Blanc (White Temple ou Wat Rong Khun) à Chiang Rai © Culture déconfiture

Des visages et des échos

Les visages des danseurs, sculptés par les lumières, avaient quelque chose de caravagesque : ombre, intensité, clair-obscur incarné. Dans un registre plus décalé, les deux esclaves sensuelles Crobyle & Myrtale m’ont évoqué Flotsam & Jetsam (si vous avez la réf !) ou Si & Am (autre réf tout à faire personnelle), les binômes perfides que l’on retrouvait dans les films d’animation de mon enfance. Et j’ai adoré leur duo de l’acte I, plein de venin et de complicité.

Ce mélange de références, c’est aussi ça qui fait le sel de Poda : il convoque nos imaginaires sans jamais les expliciter.

Une équipe sans faille

Côté musique, rien à redire : distribution aux petits oignons, chaque rôle trouvant son interprète juste et habité (la soprano Rachel Willis-Sørensen en Thaïs et le baryton Tassis Christoyannis en Athanaël). À la direction de l’Orchestre National du Capitole, Hervé Niquet, toujours solide, jamais décevant. Sa lecture claire et précise soutient les chanteurs tout en laissant respirer les couleurs de la partition de Massenet.

Thais Stefano Poda © Mirco Magliocca
Rachel Willis-Sørensen (Thaïs) & Tassis Christoyannis (Athanaël) © Mirco Magliocca

Avec Poda, même quand on croit connaître la recette, on se laisse happer : ses visions, entre marbre et transe, continuent de nous travailler bien après la dernière note. Le spectacle reste à l’affiche jusqu’au 5 octobre, ne le manquez pas !

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culture déconfiture Julien

Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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