Cette semaine, les marionnettes sont à l’honneur au Théâtre de la Cité dans La (nouvelle) Ronde, un spectacle présenté avec Marionnettissimo. À travers ce spectacle pour adultes, Johanny Bert – concepteur et metteur en scène du spectacle – tire un grand trait sur nos a priori au sujet du théâtre de marionnettes, trop souvent associé à l’enfance et aux spectacles pour jeune public.
La (nouvelle) Ronde pour interroger les nouvelles normes de la sexualité
À l’origine de La (nouvelle) Ronde, il y a une autre pièce de théâtre, La Ronde d’Arthur Schnitzler écrite en 1903 mais créée seulement en 1920 après plus de quinze années de censure. Dans la pièce originale, le dramaturge avait imaginé dix dialogues entre deux personnages – un homme et une femme – ayant une relation sexuelle. La ronde était constituée par le fait que chacun des protagonistes avait deux partenaires successifs et apparaissait donc dans deux scènes consécutives, puis le dernier personnage avait une relation avec la première. La boucle était ainsi bouclée.
L’intérêt de la pièce de Schnitzler était avant tout sociologique car elle dépeignait les codes de la société viennoise de la fin du XIXème siècle, présentant successivement des personnages issus de toutes les classes sociales : la prostituée, le soldat, la femme de chambre, le jeune monsieur, la femme mariée, l’époux, la grisette, le poète, la comédienne et enfin le comte.
Johanny Bert & l’auteur Yann Verburgh se sont emparés de ce principe dramaturgique pour inventer une nouvelle ronde et dessiner les formes de la sexualité du XXIème siècle et les liens que cela crée entre les individus. Défilent sur le devant de la scène les nouveaux protagonistes de cette ronde sexuelle : Léo, Maya, Romain, Tarik, Sonia, Zaïn, Virginie, Chantal et Hanokh – tou‧te‧s incarné‧es par des marionnettes dont on oublie vite qu’elles sont inanimées.
Le meilleur de l’art de la marionnette
L’avantage de la marionnette sur un comédien traditionnel, c’est qu’elle permet toutes les fantaisies. Dans leur conception, les marionnettes de La (nouvelle) Ronde sont d’une grande beauté et se caractérisent par un certain réalisme. Dans leur maniement, elles donnent l’illusion que ce sont des humains en miniatures qui jouent devant nous. Mais ces petits personnages sont totalement libres : s’ils savent se mouvoir de manière parfaitement réaliste, ils savent aussi s’envoler, flotter dans les airs, arracher leur tête, se démembrer et se reconstituer à l’envi, façon poupées de Bellmer.
J’ai vraiment adoré les fantaisies auxquelles se sont livré‧e‧s les artistes de ce spectacle pour nous donner la vision la plus délicate et en même temps la plus directe de leur sujet, avec poésie, tendresse et humour.
Cette liberté du personnage-marionnette est à l’image des libertés que nous offrent les nouvelles formes de sexualité d’aujourd’hui. Hétérosexualité, bisexualité, homosexualité, pansexualité, asexualité… Mais aussi toutes les questions d’identité : hommes ou femmes cisgenres, transgenres, fluides de genre… Tout cela peut se décliner à l’infini tant l’époque est à la liberté de définir qui nous voulons être et quels types de relations nous voulons avoir avec les autres.
La (nouvelle) Ronde interroge tous les stéréotypes et va bien au-delà de la question de la liberté sexuelle. Quels modèles nous construisent ? Quels préjugés nous enferment ? Peut-on être arabe et asexuel ? Est-ce que le couple et l’amour sont des concepts réactionnaires ? Chaque saynète permet d’aborder sans tabou les questions de nos existences contemporaines et de nos relations aux autres & à nous-mêmes.
Le spectacle est à l’affiche au Théâtre de la Cité jusqu’au vendredi 24 mars, chaque soir à 20 heures. Culture déconfiture vous le recommande très chaleureusement !
Photo de couverture © Christophe Raynaud De Lage
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.