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La Maison Golden, Salman Rushdie [CRITIQUE]

by Julien
La maison golden Salman Rushdie Kube

Comme je vous l’expliquais récemment, Kube m’a proposé en septembre de découvrir leur box littéraire. C’est ainsi que j’ai reçu le livre de leur sélection : La Maison Golden de Salman Rushdie. Un nom tristement célèbre, revenu dans l’actualité suite à l’attentat dont il a été la cible. En 2019, j’avais lu Les Versets sataniques qui ne m’avaient pas franchement convaincu et je trouvais intéressante l’idée de redécouvrir cet auteur avec un roman plus contemporain, d’autant que Samuel (le libraire de Kube) était très enthousiaste au sujet de ce livre.

La Maison Golden, l’Amérique d’Obama et de Trump

Ce roman se passe dans l’Amérique contemporaine (ou du moins ultra-récente). Le jour de l’investiture de Barack Obama, un énigmatique millionnaire venu d’un pays d’Orient et qui se fait appeler Néron Golden s’installe au coeur de Greenwich Village (New-York) avec ses trois fils adultes aussi brillants qu’excentriques : Petronius (Petya), autiste de haut niveau et « esprit prisonnier de lui-même purgeant une peine à perpétuité » ; Lucius Apuleius (Apu), artiste dandy ; et Dionysos (D.), à l’identité sexuelle floue, genre trans. Un jeune réalisateur du voisinage, René Unterlinden, voit en ces nouveaux voisins une source d’inspiration inespérée pour écrire un mockumentaire.

Le fameux René est justement le narrateur de cette histoire et c’est là que les choses se corsent… Entre les chapitres purement narratifs (truffés d’hypothèses car en fait il ne sait rien de la famille Golden) et ceux qui reproduisent les pages du script de son mockumentaire, difficile de démêler le faux du vrai. La fiction s’invite partout, même dans la manière de raconter des événements réels tels que les attentats et fusillades qui ont ponctué les mandats d’Obama et précédé l’élection de Trump. J’avoue que bien souvent, je m’y suis perdu.

En vérité, l’état du monde et de l’Amérique puritaine et politiquement correcte est le véritable sujet de La Maison Golden. Perte de repères, montée de la violence, fake news et post-vérité… les nations comme les personnages tentent de redéfinir leur identité.

De nos jours, le seul dont tu penses qu’il te ment, c’est le spécialiste qui justement connaît la question. C’est celui qu’on ne peut pas croire parce qu’il fait partie de l’élite et que l’élite est contre le peuple et cherche à l’humilier. Connaître la vérité c’est faire partie de l’élite. Si tu affirmes avoir vu le visage de Dieu dans une pastèque, tu convaincras plus de monde que si tu as découvert le chaînon manquant parce que si tu es un savant, tu appartiens à l’élite. La téléréalité est un mensonge mais elle n’a rien à voir avec l’élite, alors on achète. Les informations : ça, c’est l’élite.

La Maison Golden, Salman Rushdie (édition Babel, p. 297)

Dans un monde qui n’a plus de repères, la plus grande préoccupation des personnages devient donc leur propre quête d’identité, qu’elle soit culturelle, religieuse ou sexuelle. Précisément tout ce qui ne m’intéresse pas dans une œuvre romanesque.

Des digressions et un style sophistiqué

Le récit est ponctué de nombreuses références philosophiques, littéraires, mythologiques, des locutions en latin… le tout s’accordant mal avec un pays où l’argent, la télévision et les armes à feu sont rois. Chaque personnage est auréolé d’un mystère finalement très artificiel et tout cela fait un peu toc. Le roman est à l’image de tout ce qu’il dénonce : un produit très américain brillant en apparence mais un peu trop creux et bourré de clichés. Était-ce le but recherché ? Pour moi, ça sonnait un peu trop « regardez comme je suis cultivé » sans pour autant aligner des idées très originales sur les questions qu’il prétend aborder.

Kube box littéraire

Salman Rushdie surfe sur la question de l’identité, qui peut être intéressante quand elle ne vire pas au nombrilisme. Mon intérêt a donc fait le yoyo au fil des chapitres : le début est assez dense car Rushdie présente un grand nombre de personnages, puis on a jusqu’à la fin une alternance de chapitres qui font avancer le récit et d’autres qui font digression.

C’est un roman qui peut néanmoins intéresser les amateurs de best-sellers et savent apprécier une critique un peu provoc’ de l’Amérique trumpiste. Pour moi, c’est le deuxième roman de Salman Rushdie qui me tombe des mains après Les Versets sataniques… donc je ne pense pas poursuivre ma découverte de cet auteur à l’avenir. Ce qui ne m’empêche pas de lui souhaiter un excellent rétablissement.

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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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