Le Théâtre du Capitole régale le public Toulousain en programmant pendant les fêtes de fin d’année La Flûte enchantée, le dernier chef-d’œuvre de Mozart ! Cette année, c’est le chorégraphe Pierre Rigal qui tente l’exercice périlleux de revisiter cet opéra culte et bien connu des mélomanes.
La flûte enchantée, le triomphe de la lumière sur l’obscurité
Pamina, la fille unique de la Reine de la Nuit, a été enlevée par le tyran Sarastro. Afin de la libérer, la Reine confie au prince Tamino la mission de la sauver. Il sera accompagné dans sa quête par un oiseleur bavard et naïf, Papageno, et ils auront tous deux des instruments magiques pour mener à bien cette mission : des clochettes et une flûte enchantées.
Mais arrivés dans le royaume de Sarastro, Tamino et Papageno se rendent rapidement compte qu’il faut se méfier des apparences et que le tyran qu’on leur a dépeint n’est peut-être pas si mal intentionné qu’il en a l’air.
Cet opéra est une véritable aventure initiatique au cours de laquelle les personnages se découvrent eux-mêmes en parcourant le monde, un voyage qui permet non seulement de trouver l’amour mais aussi de faire triompher la lumière sur l’obscurité. On retrouve dans cette comédie les thèmes chers à Mozart, dont nous vous racontions il y a quelques années les œuvres maçonniques.
Pierre Rigal désenchante la Flûte enchantée
Dans la version que Pierre Rigal propose de La Flûte enchantée, les codes semblent totalement inversés. Dans l’acte 1, qui se déroule dans le monde de la Reine de la Nuit, tout est coloré et le décor ressemble à un somptueux patchwork, un collage surréaliste ou un livre pop-up. La scénographie et les costumes regorgent de trouvailles amusantes et de détails acidulés. Seule la Reine de la Nuit, blafarde dans sa robe blanche, semble avoir perdu ses couleurs dans ce royaume désormais privé de sa fille unique. Marlène Assayag, dans le rôle de la Reine, apporte au personnage une profondeur et une douleur maternelle qui l’humanisent.
Puis dans l’acte 2, on bascule dans le monde de Sarastro – ou plutôt d’un Jeff Bezos triomphant… Crâne rasé comme l’ancien PDG d’Amazon, ayant à sa solde des hordes d’esclaves des temps modernes (livreurs à vélo avec leur sac cubique sur le dos façon “deliveroo”), entouré de gardes vêtus de QR codes, ce Sarastro incarne le triomphe du capitalisme et de la mondialisation. Dans ce monde-là, la sagesse et l’amour sont servis par des distributeurs de stations-service, les filles sont vêtues de rose et les garçon sont en bleu. Tel un nouveau dieu soleil, Sarastro bâtit son empire de plastique et d’argent sur les ruines de la nature et de l’art et fait de l’amour et de la sagesse des biens de consommation comme les autres !
Je vous avais prévenu, la vision de Pierre Rigal est totalement désenchantée ! Mais quelle richesse dans cette relecture du chef-d’œuvre de Mozart. Dans cette pièce qui s’amuse à déjouer les apparences, Pierre Rigal a inversé tous les codes afin de nous apprendre à nous méfier des fables et des mythes contemporains (croissance infinie, ubérisation à tout-va…). La première partie du spectacle est un véritable régal d’invention et de créativité ! Le public a particulièrement adoré le personnage de Papageno (Kamil Ben Hsaïn Lachiri) qui est le seul, avec sa Papagena, à échapper à l’empire des illusions pour s’envoler loin de ce monde où tout s’achète et tout se vend. Finalement, la simplicité d’esprit a ses avantages !
Un spectacle à voir jusqu’à la fin de l’année
Si vous voulez passer un moment merveilleux, rendez-vous au Théâtre du Capitole où le spectacle est programmé jusqu’au 30 décembre ! Et revenez ici nous dire ce que vous en aurez pensé !
Crédit photo de couverture : Mirco Magliocca
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
Nous avons nos places!!
Vraiment un spectacle qui semble merveilleux !