La fausse suivante (ou Le Fourbe puni) est selon moi l’une des pièces les plus intéressantes de Marivaux. Le dramaturge pousse à son comble les stratégies du mensonge et du travestissement pour découvrir la profondeur des sentiments. L’héroïne est une jeune aristocrate qui se fait passer pour sa propre suivante déguisée en chevalier… il y a donc deux masques superposés, puisque certains personnages la voient comme un véritable chevalier, et d’autres pour une suivante déguisée. Mais personne ne devine son identité véritable et ses réelles intentions ! Un scénario particulièrement retors, et à ce titre passionnant !
Une jeune fille décide de se travestir en chevalier pour apprendre à connaître son futur époux. Sous ce masque, elle découvre que Lélio, son fiancé, est un véritable loup : hypocrite, avide, il ne songe à se marier que pour la dot. Comment punir le fourbe ? Sous le masque du chevalier (et en même temps sous celui d’une fausse suivante), la jeune héroïne va déployer des ruses pour punir les hypocrites…
Dans cette pièce où les masques cachent des masques, Marivaux semble être au comble de son art. On a l’impression que les personnages de cette comédie ont eux-mêmes vu (ou lu) les pièces de Marivaux et en ont tiré toutes les leçons. Bref, les personnages sont de véritables comédiens du sentiment amoureux et ils ont conscience de l’être. Voilà une pièce où le marivaudage est pastiché avec malice et où l’auteur se montre plus cynique encore que dans Le triomphe de l’amour.
Les personnages jouent en permanence la comédie, ils jouent le marivaudage mais ne sont pas sincères. Ils excellent en persiflage, ce jeu d’équivoque dans lequel, ici, seul le spectateur est complice. Vous l’avez compris, c’est une pièce piquante, pour ne pas dire mordante ! On rit, oui, mais on rit jaune !
Quand on connait le contexte de cette pièce, on comprend mieux les intentions de l’écrivain. A la fin du règne de Louis XIV, pendant la Régence, l’argent a pris une place prépondérante dans la société française. Avec la banqueroute de Law entraînée par la spéculation, la noblesse s’est corrompue pour maintenir son apparat, et a fait des alliances avec la bourgeoisie pour s’enrichir. Marivaux lui-même en a fait les frais, puisqu’il a tout perdu dans cette banqueroute… Telle est donc la problématique dont il fait la satire à travers le personnage de Lélio, le fourbe puni. Bref, on est face à une pièce qui dit autant sur la politique et l’économie que sur les sentiments. Sans contrefaçon, c’est une pièce qui trouve un écho très fort encore aujourd’hui !
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.