Mais qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête de Bruno Dumont pour aller nous pondre une comédie musicale sur Jeanne d’Arc ? On savait que le réalisateur iconoclaste, mais il a décidément le chic pour repousser toujours plus loin les frontières du mauvais goût !
On est très loin du film hollywoodien tel que l’avait signé Luc Besson en 1999. Avec sa Jeannette : l’enfance de Jeanne d’Arc, Dumont centre son récit autour de la jeunesse lorraine de l’héroïne, avant qu’elle ne prenne les armes et se distingue sur les champs de bataille. Pour cela, il s’est inspiré de textes de Charles Péguy, écrits au début du vingtième siècle. Le tout, incarné par des amateurs épouvantables, sur une musique désastreuse. Si Jeanne d’Arc n’était pas déjà morte, elle se consumerait de honte !
Le film est une vraie expérience de la dissonance : des paroles au lyrisme halluciné, des chorégraphies pathétiques et maladroites, une interprétation à pleurer (de rire ?)… Si vous trouvez charmante une récitation d’enfant sans intonation, il y a des chances que vous appréciiez. A condition que vous soyez capable d’endurer cela pendant 1h45, entrecoupé de chants à la frontière du cantique et du hard-rock (oui oui). Vous vous dites que c’est n’importe quoi ? Eh bien vous êtes encore loin du compte. En vérité, c’est pire !
Si vous trouviez que les enfants jouaient mal dans Les Malheurs de Sophie de Christophe Honoré, c’est parce que vous ne connaissiez pas encore le casting de Jeannette. Les personnages de Madame de Ségur pourraient recevoir des césars face aux interprètes du film de Dumont. Ils ont beau faire de leur mieux, ça ne marche pas… Bruno Dumont leur voulait certainement beaucoup de mal pour oser enregistrer de telles scènes et les diffuser. On a coutume de dire que le ridicule ne tue pas, mais avec cette tentative, les choses pourraient bien changer.
En bref, Jeannette est un film dont on ressort sidéré, voire consterné. On savait Bruno Dumont original et on avait d’ailleurs apprécié cette originalité dans P’tit Quinquin ou dans Ma Loute, mais à vouloir pousser le bouchon toujours plus loin, il nous a définitivement largué. Cela dit, ce nouveau film fera peut-être date… dans les annales des pires nanars du vingt-et-unième siècle. Et c’est parfois de là que surgissent les films cultes.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.