Hier soir, j’ai eu la chance – et surtout le plaisir – d’assister à l’une des représentations de J’aime regarder par la fenêtre de Lucie Lataste au Théâtre de la Cité, une pièce bilingue en français et LSF (Langue des Signes Française). Ce n’est pas la première fois que le théâtre ouvre ses portes au théâtre en LSF : il y a quelques années, nous avions vu Le Grognement de la voie lactée qui était une pièce doublée en langue des signes, et l’an dernier nous avions assisté à une représentation du même genre de la pièce Illusions. Mais ce qui a été nouveau avec J’aime regarder par la fenêtre, c’est que la pièce n’est pas seulement doublée en LSF, elle est écrite pour être jouée ainsi. Les dialogues des personnages sont donc signés et le spectateur qui ne connaît pas cette langue (comme moi) peut néanmoins suivre le spectacle sans difficulté grâce à la voix off de la narratrice, qui fait entendre les pensées de l’héroïne de la pièce.
Si vous pensez que le théâtre traditionnel est le summum de l’art scénique, attachez vos ceintures : le théâtre bilingue français-LSF (Langue des Signes Française) vient détrôner votre vision du monde. Et ce, avec style !
Je préfère regarder par la fenêtre : deux langues valent mieux qu’une !
Imaginez une pièce où les dialogues volent haut, mais où, en plus, chaque phrase devient une chorégraphie visuelle. La LSF transforme les mots en mouvements gracieux, ajoutant une couche de magie à l’expérience théâtrale. C’est un peu comme si Shakespeare était remixé par un danseur étoile.
Dans Je préfère regarder par la fenêtre, nous sommes invités dans une famille dans laquelle il y a le père, la mère, le fils et la fille. Le jour de ses 18 ans, cette dernière apprend que son père n’est finalement peut-être pas son père. Quand le tabou est brisé et que la vérité éclate, c’est tout le décor qui explose, comme si le monde de la jeune fille n’avait plus d’ancrage. Grâce aux dialogues en LSF et la narration en français, on sent peu à peu comment la détresse et la colère dévorent peu à peu cette héroïne sans père ni repère.
Une leçon d’inclusivité
Merci à Lucie Lataste, dramaturge et metteure en scène, et au Théâtre de la Cité (accompagné du Grand Rond et du Sorano) de présenter des spectacles de ce genre. Adieu barrières linguistiques et bonjour public diversifié ! À chaque fois que j’ai assisté à une représentation en LSF, j’ai trouvé que le spectacle avait un supplément d’âme. Car la langue des signes n’est pas tout à fait comme les autres : elle engage encore plus le corps et le visage, qui sont par essence les outils privilégiés du théâtre et de la danse. Ainsi, le spectacle est augmenté d’une dimension supplémentaire.
On choisit ce que l’on regarde, c’est ce qui nous constitue.
Lucie Lataste
Une fille apprend que son père n’est peut-être pas son père biologique. Bouleversée, elle plonge dans la tempête de son existence, quitte à devenir étrangère à elle-même.
Hors des chemins conscients et rationnels, je crée un rapport au monde poétique qui questionne la qualité instinctive de notre être là : comment façonnons-nous notre regard, notre écoute, notre présence ?
Comme Peter Brook ou Samuel Beckett nous l’apprennent, en adoptant une culture qui n’est pas celle dans laquelle nous sommes nés, tout signe devient porteur de sens. Le cœur de ma recherche est là : retrouver nos intuitions premières.
Le théâtre bilingue ouvre grand ses portes à la communauté sourde et entendante. Tout le monde se comprend, tout le monde rit ou pleure en même temps. Bref, c’est le vivre ensemble comme on voudrait l’expérimenter plus souvent.
On valide, parce que c’est spectaculaire
Avouons-le : voir des comédiens jongler entre français et LSF, c’est carrément bluffant. Dans Je préfère regarder par la fenêtre, tous les dialogues sont signés. Les mains dansent, les visages s’animent, et les corps racontent autant que les mots. Un vrai feu d’artifice visuel. Et puis, qui n’aime pas un spectacle qui vous en met plein les yeux ?
Dans Je préfère regarder par la fenêtre, la scénographie est ultra graphique, avec un ballet de fenêtres qui montent, descendent, oscillent, s’illuminent… Bravo pour cette incroyable créativité visuelle !
Et puis soyons réalistes : le théâtre tradi, c’est sympa, mais parfois ça peut sentir un peu la naphtaline. Avec le bilinguisme, on bouscule les codes et on montre qu’un art plusieurs fois millénaire peut être résolument dans l’air du temps. Bref, c’est le théâtre 2.0 comme on l’aime et comme on aimerait en voir encore plus souvent.
Conclusion : à vous de signer
Le théâtre bilingue français-LSF, c’est le régal des yeux, des oreilles et du cœur. Il allie esthétique, inclusion et innovation. Alors, prêts à réserver vos places ? Faites vite, car le spectacle n’est à l’affiche que jusqu’au 30 janvier et les meilleurs sièges risquent d’être rapidement pris !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.