Jusqu’au 5 septembre 2025, Port Leucate accueille une exposition consacrée aux nouvelles aventures de Corto Maltese, sous la plume et le pinceau de Juan Díaz Canales et Rubén Pellejero. Vous me connaissez, je ne pouvais pas manquer d’aller y faire un tour puisque je passe quelques semaines de vacances tout près… L’exposition met à l’honneur le travail de reprise entrepris depuis 2015 par le scénariste espagnol Canales et le dessinateur catalan Pellejero, avec des reproductions en très grand format de planches emblématiques (donc rien à voir avec l’expo Lignes d’horizon dont je vous avais parlé en 2021).
Si le marin romantique et libertaire imaginé par Hugo Pratt appartient désormais au patrimoine mondial de la bande dessinée, ses successeurs ont su prolonger son souffle tout en lui ouvrant de nouveaux horizons, et c’est ce que s’applique à montrer cette nouvelle expo.
Les nouvelles aventures de Corto Maltese, entre fidélité et renouveau
Je dois le confesser d’emblée : je n’ai pas découvert grand chose lors de cette exposition, puisque j’ai lu chacun des nouveaux albums au fil de leurs sorties depuis dix ans et je vous en ai parlé ici même à chaque fois (Sous le soleil de minuit, Équatoria, Le Jour de Torowean, Nocturnes berlinois, La Ligne de vie). Mais les visiteurs moins renseignés peuvent découvrir ici comment les deux auteurs se sont emparés de l’héritage de Pratt sans le trahir et lui ont donné une deuxième vie.
Je raconte la vérité comme si c’était un mensonge. À la différence de bien d’autres qui racontent des mensonges en voulant les faire passer pour vrai. De cette manière, la lecture devient double, triple et le lecteur trouve que certaines choses que j’ai dites étaient vraies, alors il est pris d’une vraie envie de partir à leur recherche.
Hugo Pratt
Ce que j’apprécie dans ces nouvelles aventures, ce sont le trait clair, élégant et aérien de Pellejero qui rend hommage au style prattien, et l’écriture de Canales qui déploie de nouveaux fils narratifs. Fidèles à l’univers originel, ils revisitent les grandes thématiques qui ont fait la force de la série : le goût de l’aventure, la liberté, l’ambiguïté morale du héros. Mais ils n’hésitent pas non plus à donner de l’épaisseur psychologique à Corto, en explorant ses zones d’ombre et ses contradictions.
Pour moi, Corto et Raspoutine sont le même personnage. Ce n’est pas une question de contraste comme pour d’autres tandems de la bande dessinée. Ils ne sont pas du tout complémentaires, et l’intelligence de Pratt a été de parfois intervertir les rôles entre Corto et Raspoutine. Même s’il affiche souvent un grain de folie, il arrive que ce soit Raspoutine qui respire la joie de vivre.
Juan Díaz Canales
Une invitation au voyage et à la lecture
Avec ses formats monumentaux et son accrochage lumineux, l’exposition de Port Leucate à l’espace Henry de Monfreid est pensée comme une immersion dans les pages d’un album vivant. Elle offre à la fois un regard sur la continuité d’un mythe et sur sa réinvention contemporaine. Les amateurs de Pratt retrouveront les accents familiers de leur héros, tandis que les curieux pourront découvrir un Corto enrichi, mûri, toujours prêt à prendre le large.

Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.