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Octobre 2018, le bilan culturel

by Julien
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Octobre : on a remonté ses pendules, on s’est réjoui de la réouverture des théâtres, on s’est réconcilié avec le cinéma, on bouquiné à tire-larigo ! L’automne est bien là, mais il en faut plus pour nous mettre en peine. Allez, on passe en revue 9 objets culturels rencontrés ce mois-ci. Attention, y’a du lourd !

Capharnaüm, de Nadine Labaki : Un enfant porte plainte contre ses parents pour l’avoir mis au monde. Nadine Labaki nous confronte de plein fouet à la dureté de la vie pour une frange de la population invisible, celle des familles précaires, qui n’ont aucun droit, qui n’ont même pas de papiers, qui ne vivent que de petites combines et n’ont personne sur qui compter. Un film qui fera date, espérons-le, et qui aidera peut-être à faire bouger les choses pour que les enfants qui naissent au vingt-et-unième siècle cessent de vivre dans des conditions infâmes.

Le grand bain, de Gilles Lellouche : Une bande de mecs sur le déclin se réunit tous les jeudis à la piscine pour préparer un spectacle de natation synchronisée masculine. Une comédie touchante dont les personnages sont extrêmement attachants. Mention spéciale pour Jean-Hugues Anglade, en Bowie du pauvre à la relation tourmentée avec sa fille. Plus émouvant que drôle, mais ça n’est pas pour me déplaire.

First man, de Damien Chazelle : On ne le sait pas forcément, mais aux origines de la première mission sur la Lune, il y a un drame intime. Le film le présente surtout Neil Armstrong dans des scènes de famille ou de couple, ce qui permet de comprendre l’impact entre sa vie privée et sa mission. En ce qui concerne les scènes de pilotage, elles sont époustouflantes, on a réellement la sensation d’être dans le cockpit ou dans la capsule avec les astronautes. C’est absolument bluffant. J’ai rarement vu des scènes aussi immersives !

Tous des oiseaux, de Wajdi Mouawad : Wajdi Mouawad a ses marottes. Les secrets de famille. Les conflits au Moyen Orient. Un souffle épique dans la narration. Une fascination aussi pour le mythe d’Oedipe. Mouawad a l’art de la narration et connaît les ficelles pour tenir son public en haleine.

Compagnie, de Samuel Beckett, par Jacques Nichet : Qu’est-ce qui pourrait tenir compagnie à un homme immobilisé sur le dos dans le noir ? Cet homme se pose la question et égraine les hypothèses, interrompu par d’autres divagations et des souvenirs. La mise en scène de Jacques Nichet est un peu illustrative mais elle a l’avantage de rendre très compréhensible ce texte de Beckett qui, à première lecture, l’est assez peu. Thierry Bosc maîtrise de manière époustouflante ce texte ultra répétitif et parvient à nous captiver une heure durant sans bouger. On est très loin de ce que l’on pourrait présenter dans un théâtre grand-public car c’est une forme théâtrale très exigeante pour le spectateur. On est même tenté à plusieurs reprises d’écouter simplement le texte tout en fermant les yeux. Certains passages, d’une grande beauté, vous vont droit aux tripes. Economie de moyen maximale pour un maximum d’efficacité.

Le roi se meurt, d’Eugène Ionesco, par Francis Azéma : C’est une pièce culte du vingtième siècle dans laquelle un monde s’effondre comme la santé de son roi. La mise en scène de Francis Azéma est tantôt amusante, tantôt poignante.

Les idoles, de Christophe Honoré : Jean-Luc Lagarce, Bernard-Marie Koltès, Hervé Guibert, Serge Daney, Cyril Collard et Jacques Demy. Tous furent terrassés par le SIDA. Christophe Honoré imagine la rencontre post-mortem de ses idoles de jeunesse sur le ton du débat, de la rigolade et de la crèpes-party… La danse, les dialogues ou les monologues, les chants alternent et rythment le spectacle et nous font passer du rire aux larmes. Rencontre surréaliste, les rôles masculins sont parfois distribués même à des comédiennes (Marina Foïs en Hervé Guibert et Marlène Saldana en Jacques Demy). Cette même Marlène Saldana offre les meilleurs moments au spectacle, en passant en une fraction de seconde du rôle de Jacques Demy à celui d’Elizabeth Taylor, exubérante et émouvante dans son activisme. Les Idoles est un spectacle édifiant, à couper le souffle ! Je regrette seulement qu’aucun texte n’ait été édité pour l’instant et qu’il soit impossible de se le procurer… Mais j’espère qu’on le trouvera prochainement en librairie, car j’adorerais m’y replonger et me remémorer ces superbes témoignages et cet excellent moment de théâtre.

Lais bretons, de Marie de France : Poétesse du douzième siècle, Marie de France a consacré de beaux textes en vers à des couples légendaires. Chevaliers, princesses, félons se croisent et s’affrontent, permettant à Marie de France de faire le tableau le plus complet des formes d’amour, en passant par la fidélité, la jalousie ou l’oubli. On y croise Tristan et Yseult et plein d’autres héros qui ont fondé la culture occidentale.

La mort à Venise, de Thomas Mann : L’auteur allemand Gustav Aschenbach va se désennuyer à Venise. Il y croise un adolescent polonais, le magnifique Tadzio. Alors que la passion augmente, la canicule empoisonne l’air et favorise la diffusion d’une épidémie. Un texte qui passe de la pédophilie au sublime, ce qui met un peu mal à l’aise vous en conviendrez… Je pensais faire une superbe découverte en lisant pour la première fois un récit de Thomas Mann ; j’ai été déçu.

Et vous, quels ont été vos coups de coeur culturels en octobre ?

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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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2 comments

Max 1 novembre 2018 - 13 h 04 min

Les lais c’est génial. J’adore Bisclavret et Yonec.

Reply
Julien 1 novembre 2018 - 15 h 27 min

Oui, ce sont deux beaux lais. Quant à moi, j’ai eu une affection particulière pour “Le laüstic” même s’il est très court, mais surtout “Eliduc”.

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