Frankenstein revient sur nos écrans, une fois encore. On ne compte plus les adaptations depuis celle de 1910 (la plus ancienne) et celle de 1931 (la plus connue, avec Boris Karloff). Cette fois-ci, c’est Guillermo del Toro qui se frotte à l’exercice, réalisateur idoine tant l’esthétique romantique et gothique de son cinéma colle avec celle du roman de Mary Shelley. Le film est-il à la hauteur des attentes ?
Frankenstein : le monstre originel revient à la vie
Quoi de plus logique, finalement, que Guillermo del Toro s’attaque à Frankenstein ? Après L’Échine du Diable, Hellboy, Le Labyrinthe de Pan ou La Forme de l’eau, le réalisateur mexicain s’empare du chef-d’œuvre de Mary Shelley avec une évidence confondante. Et pourtant, cette adaptation, annoncée depuis des années, m’a un peu laissé sur ma faim. Del Toro signe sans doute la version la plus fidèle au texte originel, tout en y insufflant sa propre mélancolie romantique, ce goût des monstres magnifiques et des âmes blessées.
Pourtant, la direction d’acteurs totalement antinaturelle, la présence écrasante de la musique, les effets spéciaux trop visibles, m’ont un peu empêché de rentrer totalement dans l’univers qui nous est proposé.
Un conte gothique somptueux. Mais…
À bord d’un navire pris dans les glaces du Grand Nord, un capitaine entend tour à la tour le récit de Victor Frankenstein et celui de sa créature. Telle est la structure de ce nouveau film de 2h30.
Visuellement, le long métrage est éblouissant comme un univers de conte, à la manière de certains films de Matteo Garrone ou Christophe Gans. Le genre d’esthétique qui éblouit mais qui en même temps dresse un mur infranchissable entre moi et l’univers imaginé. Les séquences suisses ou écossaises sont d’un gothisme hypnotique avec décors marmoréens, éclairages à la chandelle, pluie battante et paysages brumeux, pour composer des tableaux d’une beauté picturale. C’est très beau, mais en même temps je n’y crois pas un seul instant…
Côté casting, Oscar Isaac incarne un Victor Frankenstein intense, savant génial et aveuglé, héritier maudit des péchés paternels. Alors que j’adore ce comédien habituellement, j’ai trouvé là aussi son jeu trop appuyé, davantage dans la performance que dans la sincérité. Cela vaut d’ailleurs pour tout le casting : Mia Goth tente d’apporter à Elizabeth plus de densité inédite, loin de la simple fiancée éplorée. Christoph Waltz (vu dernièrement dans la saison 5 d’Only Murders in the Building) est tout en duplicité, mais ne m’a pas paru livrer sa meilleure interprétation. Jacob Elordi enfin, surprend dans la peau du monstre : sa créature, mi-statue grecque mi-collage de chair, est à la fois fascinante et peu crédible.

Un film long et inégal
Cette nouvelle adaptation est une fusion parfaite entre deux grands esprits : celui de son autrice et celui de son adaptateur. Del Toro, cinéaste des exclus et des âmes torturées, retrouve ici la matrice de tout son imaginaire et en profite pour exorciser sa propre relation au père. La dernière scène le dit sans détour : le cercle est refermé.
Ce nouveau Frankenstein est une œuvre sans doute magistrale, dense et sensible, mais on peut se demander si elle parviendra à devenir la nouvelle référence du mythe de Frankenstein. Personnellement, j’ai largement préféré ses films antérieurs.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.





