Une semaine après l’émerveillement de l’abbaye Saint-Pierre de Moissac, je suis parti dans le Var à la découverte de la célèbre abbaye cistercienne du Thoronet. Pour l’occasion, j’étais accompagné de Zoé et Thibaut, deux amis très au fait de la culture cistercienne pour avoir travaillé plusieurs années au Collège des Bernardins à Paris. L’entrée en matière se faisait donc sous les meilleurs auspices !
Avant même de pénétrer dans l’abbaye, mon amie Zoé m’a prévenu : « Attention, je pense que nous sommes sur le point de voir quelque chose d’exceptionnel ! »
Abbaye du Thoronet
Quelle ne fut donc pas ma déception dans un premier temps en visitant cette abbaye ! Fidèle aux préceptes cisterciens, ce lieu de culte est presque totalement dépouillé d’ornements. On est loin de la magnificence de Moissac et des édifices de l’Ordre de Cluny ! Avec les cisterciens, on revient à la règle stricte de saint Benoît qui prône l’humilité, l’obéissance, la pauvreté et le juste équilibre entre travail manuel et prière. Ainsi, pas de représentations figuratives sur les chapiteaux du cloître (ou seulement quelques symboles végétaux), pas de sculptures, pas de peintures… Rien ne doit détourner les moines de leur foi et de leur recueillement. Et pour les visiteurs des temps modernes, pas de quoi être émerveillés non plus…
Salle capitulaire de l’abbaye du Thoronet
Heureusement, nous avions opté pour une visite guidée de l’abbaye. A ce propos, je vous recommande vivement de choisir cette formule si vous allez visiter le Thoronet, car c’est grâce à notre guide que l’église s’est totalement transfigurée en fin de parcours, faisant de cette expérience l’une des visites des plus mémorables que j’ai vécues !
En effet, après avoir déambulé dans le cloître et visité la salle capitulaire, nous sommes allés nous installer dans l’église. Notre guide Anne-Véronique (Anne-V. pour ses intimes) nous a alors proposé de faire l’expérience de l’acoustique de la nef. Pour cela, munie de son diapason, elle nous a chanté quelques vers composés par Hildegarde de Bingen, une religieuse du XIIe siècle. La magie a opéré à l’instant même où elle a commencé à fredonner les premières notes ! Silence absolu parmi l’auditoire, bouleversé par cette musique divine !
Nef de l’Eglise du Thoronet
Comment des moines qui avaient une telle adoration du silence ont-ils pu édifier un bâtiment à l’acoustique aussi parfaite ? Les proportions de l’église du Thoronet, calculées selon le nombre d’or ou « divine proportion », en seraient-elles l’origine ? Les meilleurs acousticiens du monde se sont penchés sur ce mystère sans vraiment y trouver de réponse définitive. Le son rebondit sur tous les murs au point de nous en faire oublier l’origine, et la voix d’une seule chanteuse a capella se meut en un instant en un sublime choeur grégorien !
Dans cette église, la résonance peut durer jusqu’à douze secondes et il est parfaitement inutile de chanter à pleine voix pour que le son remplisse toute la nef. La démonstration que nous a faite Anne-V. ne nous en a pas seulement convaincus, elle nous a transportés dans un autre monde et une autre époque, comme une expérience mystique inattendue et bouleversante.
En bref, je vous recommande vivement de partir à la découverte de cette abbaye en optant pour la visite guidée. J’ignore si tous les guides du site proposent la même expérience musicale dans l’église, mais si vous tombez comme nous sur Anne-Véronique, vous ne pourrez être que comblés !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
