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Les Garçons de l’amour, Ghazi Rabihavi [CRITIQUE]

by Julien
Les garçons de l'amour Ghazi Rabihavi littérature iranienne

Pour Noël dernier, mon amie Allychachoo m’a offert Les Garçons de l’amour de Ghazi Rabihavi, qui a été ma première incursion dans la littérature iranienne contemporaine. Le narrateur le dit lui-même : « Voilà comment je vais intituler mon histoire : Les Garçons de la douleur ! Le titre Les Garçons de l’amour n’est certainement pas celui qui convient pour une histoire si chargée de violence et de souffrance. » Dans cette hésitation sur le titre du roman, tout est dit.

Les Garçons de l’amour ou les Garçons de la douleur ?

Le narrateur, Djamil, est un garçon du sud de l’Iran (dans les environs d’Abadan, au bord du Golfe persique). Dans son récit, il rapporte tout ce qui lui est arrivé depuis son enfance jusqu’au moment où il quittera l’Iran pour suivre le chemin de l’exil. Son récit s’adresse à Nadji, l’amour de sa jeunesse, un amour fou, tragique et interdit. On sent au fil des chapitres le poids de la culpabilité. Qu’est-il advenu de Nadji ? Et de quoi Djamil est-il coupable ? C’est tout l’enjeu de ce récit.

Comment, dans l’Iran islamique et révolutionnaire de 1978, un couple de jeunes hommes pouvait-il vivre au grand-jour leur amour ? La question est rhétorique, bien entendu, car l’homosexualité avouée est toujours passible en Iran de peine de mort, et il n’est pas une année depuis 1978 où cette peine ne soit exécutée.

Un roman qui partage

Le roman de Rabihavi a été publié à Londres mais est inédit en Iran. Cela va de soi : l’amour entre deux jeunes hommes et la réalité sociale iranienne sont deux thèmes considérés comme provocateurs – et donc censurés.

Au bout d’un moment Amir-l’emmerdeur me reconnut. Nous parlâmes un peu du passé et nous échangeâmes quelques plaisanteries en riant sur quelques-unes de nos connaissances. Il m’avoua le crime pour lequel il était arrêté. « Je me baladais gentiment en pleine chaleur dans l’avenue. Tout à coup une voiture du Comité a surgi avec trois miliciens à l’intérieur. Elle s’est arrêtée devant moi. Pourquoi ? Parce que je portais un T-shirt à manches courtes et que j’avais sur le nez des lunettes Ray-Ban. Tu te souviens ? Pendant les journées de chaleur je portais toujours des T-shirts de toutes les couleurs. Qu’est-ce que j’y peux ? Je raffole des T-shirts étrangers. J’ai demandé aux agents du Comité qui ça pouvait bien gêner que je porte des marches courtes et des lunettes noires. Tout le monde sait que j’en porte depuis des années. « Oui, m’a dit l’un d’entre eux. Mais la situation a changé. Ce n’est plus comme autrefois. » Je leur ai demandé : « Qu’est-ce qui a changé ? » Le type m’a répondu : « Maintenant, on a des martyrs. Des jeunes ont donné leur vie pour la révolution. Ils se sont sacrifiés, ils ont lutté pour qu’aujourd’hui nous vivions paisiblement. Pense un peu à eux. Ils se retournent dans leur tombe quand ils voient que des gens comme toi, même après la victoire de la révolution, se baladent en pleine rue vêtus de T-shirts américains aux manches courtes. » […] »

Les Garçons de l’amour, Ghazi Rabihavi (éd. Serge Safran, p. 384 – trad. Christophe Balaÿ)

Je ne sais pas si cela est propre au style de l’auteur ou bien à sa traduction en français, mais j’ai eu du mal à avancer dans ce récit. Il m’a fallu plus d’un mois pour en achever les 414 pages, ce qui est suffisamment long pour le mentionner (je plie habituellement ce genre de lecture dans la semaine).

Quand je refermais le livre à la fin d’un chapitre, je n’avais pas cette impatience le lendemain d’y revenir pour en connaître la suite ou pour en savourer les phrases. Dommage, car j’ai pourtant perçu l’intérêt de cette prise de parole, le courage et l’importance de partager un tel témoignage. Mais ce qui a manqué, je suis bien en peine de le dire…


Et vous, ça vous est déjà arrivé d’être partagé à la lecture d’un roman dont vous percevez l’intérêt mais qui n’arrive pas à vous happer totalement ?

Qui a écrit cet article ?

culture déconfiture Julien

Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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