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Le Cercle des poètes disparus, l’adaptation théâtrale [AVIS]

by Julien
le cercle des poetes disparus Olivier Solivérès Stéphane Freiss

Adapter Le Cercle des poètes disparus au théâtre était un projet ambitieux, tant le film de Peter Weir, porté par Robin Williams, est ancré dans l’imaginaire collectif. Olivier Solivérès a fait le choix d’une mise en scène fidèle et appliquée, mais sans véritable prise de risque. Je suis allé découvrir cette pièce à Muret, dans la salle Horizon Pyrénées où je n’avais jamais mis les pieds auparavant.

Alors, que vaut cette nouvelle adaptation ?

Le Cercle des poètes disparus : adaptation fidèle

La fidélité de cette adaptation est incontestable. Dialogues, personnages, situations… on retrouve dans cette pièce tout ce que l’on avait aimé dans le film. Dans le rôle de l’emblématique professeur Keating, Stéphane Freiss est forcément comparé à l’inoubliable Robin Williams qui a créé le rôle en 1989. Est-il possible de retrouver la subtilité et la profondeur de son illustre prédécesseur ? Jamais fausse, son interprétation oscille pourtant entre un enthousiasme démonstratif et une excentricité forcée, donnant parfois l’impression d’un cabotinage qui affaiblit le propos. Même constat pour Ethan Oliel, plein de bonne volonté et auréolé du Molière de la révélation théâtrale en 2024 pour le rôle de Neil Perry (alors qu’Audran Cattin, qui joue Dalton, était nommé dans la même catégorie et m’a semblé beaucoup plus juste dans son interprétation).

Les décors et lumières servent efficacement l’histoire, et la direction d’acteurs met en avant l’énergie du groupe. L’approche reste conventionnelle, sans réinterprétation marquante – mais ce n’était manifestement pas le projet.

Les jeunes comédiens, s’ils investissent pleinement leurs rôles, tombent également dans un jeu parfois trop appuyé qui dilue l’émotion dans l’exercice de style.

Il faut manifestement ne pas aller souvent au théâtre pour utiliser des adjectifs comme « impressionnant » et « brillant »…

Un théâtre déconnecté des enjeux actuels

Ce qui frappe le plus dans cette adaptation, c’est son ancrage dans un théâtre bourgeois, hermétique aux préoccupations actuelles du monde culturel. Alors que tous les spectacles vus ces dernières semaines s’achèvent systématiquement par des prises de parole engagées – notamment dans le cadre du mouvement Debout pour la culture, qui alerte sur la précarisation du secteur –, Le Cercle des poètes disparus semble évoluer dans un univers parallèle où ces problématiques n’existent pas. C’est particulièrement étonnant pour une pièce dans laquelle justement on tente de montrer à quel point le théâtre est nécessaire, voire vital, et mis en danger par le conformisme. Voilà qui aurait dû faire écho et nous permettre de comprendre pourquoi rejouer Le Cercle des poètes disparus avait encore du sens en 2025. Car par les temps qui courent, plus que jamais, les poètes disparaissent au rythme des fermetures de salles et des coupes budgétaires.

C’est comme si le spectacle était fait pour plaire précisément à ceux contre qui le film nous invitait à nous révolter. On assiste à un hommage bien exécuté, mais sans résonance contemporaine, sans urgence, comme si le théâtre pouvait encore se permettre d’ignorer les secousses du monde qui l’entoure. D’autant plus étonnant que parmi les 10 derniers spectacles vus au cours des 3 dernières semaines, celui-ci est le seul à faire l’impasse sur le sujet.

Un spectacle agréable mais figé

Si Le Cercle des poètes disparus est censé être un plaidoyer pour la liberté et l’audace, cette adaptation théâtrale semble aller à l’encontre de son propre message. La mise en scène trop classique, le jeu peu nuancé et l’absence d’ancrage dans les luttes actuelles du monde de la culture laissent une impression de décalage. Un spectacle qui séduira sans doute les nostalgiques du film, mais qui manque hélas de nuances, de rébellion… et de poésie bordel !

Qui a écrit cet article ?

culture déconfiture Julien

Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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2 comments

Sunn 23 février 2025 - 10 h 46 min

Waouh! Voilà qui me console de ne pas avoir pu m’organiser à temps pour aller voir ce spectacle et m’incite à revoir le film ou relire le livre! Un article très inspirant! Merci!

Reply
Julien 24 février 2025 - 16 h 17 min

Oui, c’est un spectacle très dispensable.

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