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Le Faiseur de théâtre

by Julien

Thomas Bernhard est un romancier et dramaturge autrichien que j’ai découvert au cours de mes études théâtrales et que j’ai continué de découvrir pendant mes années fac (notamment en cours de littérature comparée). Hier soir au Pavé, j’ai vu une adaptation de son Faiseur de théâtre, pièce qui ne m’était pas encore connue. Comme toujours, l’entrée en matière a été un peu difficile, puis la machine s’est lancée pleinement pour un bon moment de plaisir théâtral !

 

En résumé : Dans une auberge paumée du fin-fond de l’Autriche, le comédien Bruscon et sa famille d’acteurs arrivent pour installer le décor de la pièce qu’ils vont jouer le soir même : La Roue de l’Histoire. Mais rien ne correspond aux exigences de Bruscon dans cette auberge médiocre. Trop d’humidité, trop de tableaux hideux au mur (des porcs, des vaches… seul un poussiéreux portrait d’Hitler trouve grâce aux yeux de l’acteur), trop de bruits provenant de la porcherie, et surtout une question fondamentale : pourra-t-on faire un noir total à la fin de la représentation ? La pièce nihiliste que Bruscon s’apprête à jouer ne saurait trouver la plénitude de son sens qu’à cette condition. Mais l’aubergiste et le chef des pompiers accepteront-ils que l’on coupe les lumières de secours dans la salle au profit de l’Art ? Ne pouvant obtenir de réponse immédiate à cette question qui devient pour lui existentielle, Bruscon se lance dans un grand soliloque où il vitupère contre les nazis, les femmes et les gens médiocres.

 

Denis Rey incarne Bruscon (Le faiseur de théâtre – Thomas Bernhard)

 

Mon avis : Pendant le premier quart d’heure, tout en reconnaissant bien le style de l’auteur, je me suis demandé où la pièce voulait en venir avec cette mise en abyme, et quand le spectacle allait prendre son envol. Puis, une fois la mécanique en place et les manies du personnage de Bruscon comprises, les premiers rires se sont fait entendre. Tout le monde en prend pour son grade car rien ne trouve grâce aux yeux du comédien, pour le plus grand plaisir des spectateurs. Denis Rey, qui joue le rôle de Bruscon, réalise un tour de force en incarnant sans faiblir ce faiseur de théâtre tyrannique et ridicule. Sans jamais jouer sa Roue de l’Histoire, il parvient à nous faire imaginer cette pièce ambitieuse où se côtoient Churchill, Einstein, Napoléon, César et Marie Curie… bref, une pièce aussi monstrueuse que son auteur mégalomane. Paradoxalement, le spectateur ne voit rien et pourtant il voit tout !

 

Vous avez encore quelques jours pour aller apprécier Le Faiseur de théâtre au Théâtre du Pavé (Toulouse), puisque la pièce se joue jusqu’au 9 décembre, tous les soirs à 20h30. Pour ma part, ça m’a donné envie de me replonger dans Thomas Bernhard et son écriture à l’acide !

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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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