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Dream, un rêve dansé de Julien Lestel dont on voudrait vite se réveiller [AVIS]

by Julien
Dream-Julien-Lestel-©-Lucien-Sanchez

Cela faisait longtemps que je n’avais pas vu un spectacle de danse aussi mauvais. Et aussi mal intitulé, du coup… Car le ballet Dream de la compagnie Julien Lestel est très loin ce que j’appellerais un rêve dansé. Pourtant, j’étais très enthousiaste à l’idée d’aller voir ce spectacle. Imaginez, mon billet était daté du 3 avril 2020. Mais après 3 reports successifs, c’est seulement hier soir (6 mai 2022) que j’ai enfin pu le voir au Casino Barrière de Toulouse.

Dream, une belle promesse qui n’est pas tenue

Visuellement, le ballet est plutôt prometteur. La belle couleur orangée des costumes que l’on voit sur l’affiche me laissait imaginer un univers onirique et oriental qui n’était pas pour me déplaire. Et c’est vrai que sur scène, ces costumes que danseuses et danseurs portent pendant le premier tableau rendent plutôt bien. Mais c’est quasiment la seule qualité de ce spectacle. Il n’y aura rien d’autre à découvrir d’intéressant au cours de l’heure et demi qui va suivre. Aucune créativité dans les différentes scènes, aucune alchimie et surtout aucune émotion.

Dream Julien Lestel

Alors OK, je sais que Dream est un spectacle grand public et que, du coup, la compagnie Julien Lestel propose de la danse facile à comprendre, qui cherche à “faire joli” plutôt qu’à faire intéressant… Mais je ne suis absolument pas d’accord avec ce nivellement par le bas. Je pense qu’au contraire on peut proposer au grand public des spectacles plus consistants et des performances d’artistes beaucoup plus novatrices tout en restant accessible. Les spectacles de danse dont nous vous avons parlé en début de saison en sont la preuve.

Quand la danse veut nous faire rêver

Heureusement qu’il y a eu au cours de la saison 2021-2022 des spectacles de danse magistraux pour relever le niveau. Par exemple, le magnifique XYZ ou comment parvenir à ses fins, où Georges Appaix arrivait au terme de 30 ans d’innovations chorégraphiques partagées avec le public. Ou bien le puissant Any attempt will end in crusched bodies and shattered bones dans lequel Jan Martens fit souffler un vent de révolution au théâtre. J’avais adoré dans ce dernier spectacle le caractère très assumé de la musique et des gestes répétitifs. Dans Dream, on sent qu’il y a eu cette tentation aussi de répéter des gestes mais primo les gestes en question étaient tout à fait inintéressants et secundo le caractère répétitif n’était pas assez assumé et les séquences répétitives s’interrompaient assez vite (mais le primo explique peut-être le secundo).

Bref, j’ai beaucoup pensé à mes plus belles heures de ballet en voyant ce spectacle et en mesurant à quel point Dream serait vite oubliable. Il n’a pas l’énergie des ballets de Mourad Merzouki (Pixel, Carte Blanche, Agwa…), ni l’émotion d’Alain Platel (Nicht Schlafen), ni l’humour de Laura Scozzi (Barbe-Neige et les sept petits cochons), ni l’audace d’Angelin Preljocaj (Roméo et Juliette), ni la technique du Ballet du Capitole (Les liaisons dangeureuses, Cantata, La Belle et la Bête entre autres…), ni la force politique de Mathilde Monnier (El Baile), ni le dynamisme de la jeunesse des Sept doigts de la main (Traces)… Enfin, il manquait surtout l’onirisme, promis par le titre du spectacle Dream, une promesse qu’avait si bien su tenir la compagnie Wang Ramirez avec leur Dystopian Dream.

Même la voix de Nina Simone, que l’on entend chanter I get long without you very well, ne parvient pas à donner à ce spectacle le supplément d’âme que l’on voudrait y trouver. Pourtant, en règle générale Nina Simone est un joker, impossible de se planter quand on joue cette carte. Le ballet de Julien Lestel y parvient malgré tout, et c’est peut-être la prouesse la plus étonnante qu’il nous ait été donné de voir hier soir !

Bref, Julien Lestel m’a beaucoup déçu, mais je ferai en sorte de bien retenir le nom de ce chorégraphe afin d’éviter de retomber un jour dans le panneau de ses belles affiches qui vendent du rêve sans tenir leur promesse.

Photo de couverture © Lucien Sanchez

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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.

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