Après deux saisons en demi-teinte, Black Mirror revient avec une septième salve d’épisodes qui semble renouer, en partie du moins, avec l’esprit acide et spéculatif qui a fait son succès. Charlie Brooker et son équipe réinvestissent certaines angoisses contemporaines liées à la technologie, en injectant à nouveau ce soupçon de malaise, d’anticipation sociale et de cynisme futuriste qui manquait aux saisons 5 et 6. Toutefois, si certains épisodes brillent par leur pertinence dystopique, d’autres s’aventurent une fois de plus sur le terrain de la science-fiction pure, un glissement de ton que j’ai trouvé vraiment frustrant et qui commence à m’agacer.
Black Mirror, saison 7 : un bon début
Le premier épisode, Des gens ordinaires, marque d’emblée une volonté de retour aux fondamentaux. Lorsqu’un homme, Mike, ressuscite sa femme en payant un abonnement mensuel à un data-center hébergeant sa conscience, l’épisode aborde avec justesse la marchandisation des affects et le capitalisme numérique. Le crescendo de la dépendance aux options premium fait froid dans le dos : une métaphore puissante, parfaitement alignée avec l’ADN de la série.

Moins bonne pioche avec Bête noire, un épisode angoissant aux allures de thriller paranoïaque. Maria y voit réapparaître Verity, une ancienne camarade d’université, dans ce qui pourrait être une banale coïncidence… ou une machination vengeresse. L’originalité de l’épisode tient surtout dans sa diffusion : chaque abonné Netflix peut découvrir une version légèrement différente de l’intrigue, instaurant un effet de trouble et de dissonance qui prolonge le récit au-delà de l’écran. Un vrai coup de maître narratif. En revanche, on s’éloigne de la satire sociale et numérique qui faisait le piment de Black Mirror.
Des échappées contestables
Toute la saison 7 n’est pas aussi affûtée que son premier épisode. Hôtel Rêverie, malgré une ambiance léchée et une actrice principale convaincante, verse dans une forme de SF romantique où l’exploration technologique sert davantage d’écrin narratif que de ressort critique. Une actrice s’intègre littéralement dans un film ancien grâce à une technologie d’immersion, et l’on assiste à une réécriture mélancolique d’Hollywood sans grand enjeu dystopique.
Dans un registre plus geek, l’épisode De simples jouets ravira sans doute les fans de l’univers étendu de la série. Un QR code dans le générique final permet de télécharger l’interface des fouloïdes, des entités virtuelles créées par un développeur soupçonné de meurtre. L’épisode établit un pont avec Bandersnatch (épisode spécial et interactif de 2018), notamment par le retour de Will Poulter, et compose un bel exemple d’auto-référentialité.
Mémoire et mélancolie
L’épisode Eulogie constitue quant à lui une vraie respiration. En explorant la reconstitution de souvenirs à partir de simples photos, il aborde la mémoire, le deuil et les illusions du passé avec une délicatesse rare. Peu de cynisme ici, mais une vraie émotion, qui rappelle parfois la tendresse inattendue de San Junipero (saison 3).
Enfin, la saison se conclut par USS Callister : Au cœur d’Infinity, suite directe de l’épisode le plus merdique de la saison 4. Les clones numériques sont de retour, toujours prisonniers d’un univers vidéoludique, mais cette fois traqués par des joueurs désireux de les éradiquer. On en apprend plus sur les origines occultes du jeu, mais la tonalité très SF de cet épisode et les enjeux épiques éloignent un peu la série des réflexions sociétales qui en font le sel.
Verdict ?
Cette saison 7 de Black Mirror est donc une réussite en demi-teinte, mais une réussite tout de même. Elle marque un sursaut d’inspiration après deux saisons qui s’étaient éloignées de la formule originale. En alternant épisodes dystopiques, thrillers technologiques et échappées plus poétiques ou spéculatives, elle assume une certaine diversité de tons — parfois au détriment de la cohérence idéologique de la série. Si l’on regrette encore que la dystopie se dissolve parfois dans de la SF plus classique, certains épisodes — Des gens ordinaires, De simples jouets, Eulogie — prouvent que Black Mirror n’a pas dit son dernier mot.
Retrouvez ici le guide de tous les épisodes et de toutes les saisons.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.