Si vous me demandiez quel est mon ballet préféré, je vous répondrais certainement In the Upper Room de Twyla Tharp, dont la musique a été composée par Philip Glass. Mes musiques de films préférées ? The Hours, The Truman Show et Koyaanisqatsi… soit trois BO signées Philip Glass. L’album que j’ai lu plus écouté lors de la dernière décennie ? Piano Works, que l’Islandais Víkingur Ólafsson a consacré à Philip Glass. Bref, vous l’avez compris, lorsque j’ai su que Vanessa Wagner venait à Toulouse ce mois-ci pour interpréter l’intégrale des Études pour piano du compositeur américain, je ne pouvais pas manquer ce rendez-vous. Elle nous a offert hier une traversée envoûtante de plus de deux heures qui fera date dans l’histoire du festival Piano aux Jacobins.
La déclaration d’amour de Vanessa Wagner à la musique de Philip Glass
Dans un ensemble en lamé argenté – entre miroir mouvant & rivière de métal liquide –, Vanessa Wagner a fait son entrée dans la salle capitulaire du Couvent des Jacobins où, depuis le 4 septembre, les grands interprètes se succèdent. Nous vous avions parlé ici-même du concert d’ouverture du festival avec Fazıl Say, puis du merveilleux récital de l’Américain Clayton Stephenson. Mais le concert de Vanessa Wagner était sans doute celui que j’attendais le plus, tant j’admire la musique de Philip Glass.
Glass est l’un des grands maîtres de ce que d’aucuns appellent le minimalisme musical. Ses motifs se répètent, se transforment lentement, comme des vagues. Ce n’est pas une répétition mécanique mais une répétition vivante, qui installe une transe douce, proche de certaines musiques rituelles ou méditatives. Víkingur Ólafsson avait d’ailleurs parfaitement nuancé cette qualification :
En surface, on dirait qu’elles [les Études pour piano] sont truffées de répétitions, mais plus on les joue et on y réfléchit, et plus leur narration semble évoluer en spirale. Mon approche de chacune des Études consiste à permettre à l’auditeur de créer son propre espace de réflexion personnelle.
Víkingur Ólafsson
L’approche de Vanessa Wagner m’a semblé assez similaire. Plutôt que de « raconter » quelque chose comme dans une symphonie classique, la pianiste joue sur la sensation du temps. On a parfois l’impression que la musique nous fait entrer dans une autre temporalité, comme si nous traversions une membrane fragile qui finit par nous envelopper. Plus que dans n’importe quelle autre salle de concert, cette sensation était renforcée par le cadre exceptionnel du Couvent des Jacobins, où la poésie architecturale vient épouser l’harmonie musicale.
« Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices ! Suspendez votre cours »
Dans les Études pour piano de Philip Glass, les accords paraissent souvent simples, lumineux, presque transparents. Cette limpidité séduit l’oreille et facilite l’immersion : il n’y a pas de complexité opaque, mais un langage qui semble direct et accessible, qui parle autant à l’intellect qu’au corps.
La musique oscille entre une rigueur presque mathématique et une intensité émotionnelle très forte. Ce contraste crée un effet d’étrangeté : on est pris à la fois par le côté mécanique et par une chaleur inattendue qui surgit des variations. Au rythme des pulsations régulières & des motifs rythmiques qui reviennent, la respiration se cale & le cœur suit. C’est une musique qu’on vit presque physiquement, comme un mantra sonore.
Après plus de trente ans passés à travailler et interpréter le grand répertoire, la musique de Philip Glass a d’une certaine manière, presque révolutionné ma vie de musicienne.
Vanessa Wagner
Bref, la musique de Glass envoûte parce qu’elle nous décentre du quotidien, qu’elle nous place dans une zone entre veille et rêve, entre rationalité et transe. Merci Vanessa Wagner d’avoir choisi Toulouse pour cette première grande traversée du répertoire de Philip Glass.
Si vous voulez découvrir ce programme, Vanessa Wagner sera à Laon et Saint-Brieuc dans les jours à venir, puis à Paris, Châteauroux, Nantes, Grenoble, Lyon et enfin Marseille d’ici la fin de l’année 2025. La sortie d’un coffret est également prévue pour le 10 octobre prochain.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
