Hier soir, l’Opéra du Capitole clôturait sa saison 2024-2025 avec une œuvre que l’on n’a pas l’habitude d’entendre sur scène : Adrienne Lecouvreur, opéra en quatre actes de Francesco Cilea. À Toulouse, il n’avait plus été donné depuis 1986, ce qui rendait cette première d’autant plus attendue. Et la proposition artistique valait le détour, tant sur le plan vocal que visuel.
Adrienne Lecouvreur : une distribution à la hauteur, malgré l’imprévu
Pour celles et ceux qui – comme moi – ne connaissaient pas l’argument d’Adrienne Lecouvreur (inspiré d’une histoire vraie), le voici en quelques mots. Célèbre tragédienne de la Comédie-Française, Adrienne aime le comte Maurizio de Saxe, sans savoir qu’il est aussi courtisé par la puissante princesse de Bouillon. Jalouse, cette dernière découvre leur liaison et décide d’éliminer sa rivale. L’opéra mêle ainsi amour, jalousie, politique et art dans un drame lyrique qui glisse de la comédie (acte I) à la tragédie (acte IV).

Le ténor Vincenzo Costanzo, dans le rôle de Maurizio, a fait preuve d’un engagement scénique et d’une justesse vocale qui ont impressionné. Il faut saluer la manière dont il s’est glissé dans ce rôle exigeant avec élégance, remplaçant au pied levé José Cura initialement prévu dans la distribution (mais absent pour raison de santé). Une reprise de rôle d’autant plus plaisante que, âgé de seulement 34 ans, il était particulièrement crédible dans le rôle d’un jeune comte amoureux.
Mais ce sont surtout les deux rôles féminins qui ont marqué la soirée. Lianna Haroutounian, dans le rôle-titre d’Adrienne, a incarné avec intensité cette comédienne amoureuse, libre et tragique. En revanche, les applaudissement qui ont ponctué chacune de ses performances vocales ont eu tendance à me fatiguer et à me sortir de l’illusion théâtrale (dédicace à mon voisin de siège hystérique, qui hurlait « bravi » à chaque apparition de la soprano). Judit Kutasi, en princesse de Bouillon, a imposé une présence redoutable, aussi bien par sa voix que par sa stature scénique. Le duo fonctionne parfaitement, entre rivalité passionnée et tension dramatique.

Quand l’Art nouveau remodèle le XVIIIe siècle
Ivan Stefanutti, à la mise en scène et à la scénographie, a choisi de s’éloigner de la reconstitution historique pour s’inspirer de l’Art nouveau italien. Le choix peut surprendre, mais il crée un univers visuel cohérent, presque onirique, qui accompagne le lyrisme de la musique sans le contraindre. Cette décontextualisation allège l’ancrage XVIIIe siècle du livret pour mieux en faire ressortir les sentiments universels.
Le ballet du troisième acte est également anachronique, ce qui n’est pas pour me déplaire. Le jugement de Pâris a été remplacé par L’après-midi d’un faune, dont on reconnait immédiatement l’esthétique et les mouvements… un décalage surprenant mais intéressant.
Un opéra à redécouvrir… et à prix doux
Il reste encore quelques places à saisir jusqu’au 29 juin, car on le sait, quand un opéra est moins connu, le public a tendance à moins se déplacer. C’est pourquoi l’Opéra du Capitole a mis en oeuvre une opération séduction avec toutes les places à -50%, une occasion à saisir pour tous ceux qui sont hésitants, et une chance de découvrir l’opéra à moindre coût pour celles et ceux qui n’y sont jamais allés. C’est l’occasion idéale pour (re)découvrir le genre à petit prix, dans des conditions de très haute qualité. Bref, un beau final de saison, à la fois rare et accessible.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.