Hier soir, la grande salle du Théâtre du Pavé était comble pour applaudir Corinne Mariotto seule en scène dans Les règles du savoir-vivre dans la société moderne. Plusieurs personnes ont même attendu désespérément jusqu’à la dernière minute pour assister au spectacle. Il faut dire qu’il s’agissait-là d’un texte fameux de Jean-Luc Lagarce qui a toujours conquis le public par son ironie féroce et son humour pince-sans-rire.
La comédienne, en tenue de gala blanche satinée, débarque sur le plateau pour nous énumérer de sa voix suraiguë les bonnes manières (souvent surannées) qu’il faut respecter à toutes les étapes de la vie, du berceau à la tombe. Avec un effet de liste à vous donner le tournis, cette Nadine de Rothschild de théâtre démontre la cruauté d’une caste mondaine qui se croit supérieure par ses codes innombrables et absurdes, préférant sacrifier aux diktats du savoir-vivre les principes fondamentaux du plaisir de vivre. Edifiant. Cruel. Mais si absurde et si drôle !
Naître, ce n’est pas compliqué. Mourir, c’est très facile. Vivre, entre ces deux événements, ce n’est pas nécessairement impossible. Il n’est question que de suivre les règles et d’appliquer les principes pour s’en accommoder, il suffit de savoir qu’en toutes circonstances, il existe une solution, un moyen de réagir et de se comporter, une explication aux problèmes, car la vie n’est qu’une suite d’infimes problèmes qui, chacun, appelle et doit connaître une réponse. Il s’agit de connaître et d’apprendre, dès l’instant déjà si mondain de sa naissance, à tenir son rang et à respecter les codes qui régissent l’existence. Il s’agit enfin de contrôler ses peines, de pleurer en quantité nécessaire et relative, de juger de l’importance de son chagrin et toujours, dans les instants les plus difficiles de la vie, d’évaluer la juste part qu’on leur accorde.
Jean-Luc Lagarce
Une fois encore, j’ai adoré assister à une pièce de Jean-Luc Lagarce, dont le texte fait toujours mouche qu’il s’agisse d’une comédie ou d’un drame (voir Juste la fin du monde), qui analyse au scalpel les subtilités des relations humaines et laisse voir sous le brillant des apparences un cruel désespoir.
Pour les curieux, il reste quelques rares places pour les représentations suivantes : vendredi 7 juin et samedi 8 juin à 20h30 au Théâtre du Pavé. Et le spectacle est d’ores-et-déjà programmé pour la saison suivante, puisque l’on retrouvera Corinne Mariotto dans la même pièce en 2020, du 3 au 8 mars ! Et après ça, vous n’aurez plus d’excuse pour ne pas respecter les règles drastiques du savoir-vivre dans la société moderne !
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.
2 comments
Ai-je dis que je n’ai pas aimé ? Ah oui je crois ^^ Désolée d’avoir été dans une telle incompréhension face à cette pièce, rien ne l’a sauvé à mes yeux, je ne pense pas me risquer à retenter une pièce de Largace de si tôt !
L’avais-tu dit ? à part les 200 premières fois en 20 minutes, je ne crois pas :p