Je ne connaissais pas le travail de l’artiste américaine Mickalene Thomas avant de visiter l’exposition que lui consacre le musée des Abattoirs à Toulouse (jusqu’au 9 novembre prochain). Et cette découverte m’a marqué. À travers un parcours dense et coloré, l’artiste américaine propose une œuvre riche, à la croisée de la photographie, de la peinture, du collage et de la vidéo. J’ai adoré sa force visuelle, sa générosité, et sa portée politique tout en restant accessible. C’est bien simple : pour moi, c’est la meilleure exposition du musée depuis celle consacrée à Niki de Saint Phalle en 2023.
Mickalene Thomas : une esthétique forte, entre hommage et détournement
Mickalene Thomas construit ses images à partir de matériaux visuels familiers : motifs afro & vintage, textures brillantes, poses inspirées de l’histoire de l’art (La Grande Odalisque, coucou !), ambiances de salons américains des années 70… On est immédiatement frappé par la cohérence plastique de l’ensemble. Il y a dans chaque œuvre un équilibre entre forme et contenu, entre attraction visuelle et mise à distance critique.

Au fil des salles, on pense à la mode, à la publicité, au disco, aux intérieurs seventies… et pourtant, rien n’est décoratif : chaque détail est pensé, habité, revendiqué. L’art de cette artiste queer capte l’œil, le séduit, puis l’embarque dans une réflexion plus profonde. C’est ce mélange — immédiateté visuelle et fond engagé — qui rend l’exposition si intéressante.
Ses portraits de femmes noires (en photos, peinture et vidéo) s’inscrivent dans une volonté de représentation active. Ils détournent les codes du glamour, jouent avec les références culturelles, tout en instaurant une forme de dignité tranquille. Et puis l’utilisation immodérée de strass collés sur les peintures (chevelures, lèvres, escarpins…), c’est quand même fascinant.
Un regard sur l’intime et le collectif
L’exposition donne à voir un engagement sans discours appuyé. Les œuvres évoquent la mémoire, les luttes, la construction de soi et l’héritage, sans chercher à imposer une lecture unique. Le parcours reste fluide, ouvert, accueillant. On peut y entrer par l’image, par la couleur, par les références culturelles, ou simplement par la curiosité.
Derrière la flamboyance, la plasticienne raconte autre chose : les luttes, les mémoires, les héritages, les blessures aussi. Elle redonne une visibilité éclatante aux corps féminins noirs, souvent marginalisés ou stéréotypés. Elle en fait des icônes, des muses, des souveraines.
Il y a dans ses œuvres une forme de résilience joyeuse, d’affirmation radicale, sans jamais verser dans la lourdeur. C’est à la fois profondément politique et accessible à tous les publics — adultes comme enfants. On regarde, on s’émerveille, on réfléchit, on se sent concerné.

Ainsi, cette exposition peut parler à des publics variés. Il n’est pas nécessaire d’avoir de grandes connaissances pour y trouver un point d’entrée. C’est une œuvre qui s’adresse autant à l’œil qu’à l’esprit.
Une exposition marquante
Les Abattoirs ont frappé juste avec cette rétrospective. On y circule comme dans un grand salon réinventé, un espace de beauté, de mémoire et de révolte tranquille. Mickalene Thomas fait dialoguer l’intime et le collectif, la douleur et le glamour, le passé et le présent. Voilà une exposition précieuse et vibrante — et, pour moi, un vrai coup de foudre.

En sortant, j’ai repensé à la grande exposition consacrée à Niki de Saint Phalle il y a quelques années au même endroit. Il y a des échos entre les deux artistes : dans leur rapport à la figure féminine, au corps, à la décoration comme langage visuel. Découvrir Mickalene Thomas aux Abattoirs, c’est entrer dans un univers personnel, construit avec soin, et qui continue à résonner longtemps après la visite.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.