Invité hier soir au spectacle de Marion Mezadorian à l’Aria de Cornebarrieu, je me doutais que j’allais passer une bonne soirée. La simple lecture du titre, Craquage, était déjà tout un programme. Eh bien figurez-vous que la soirée que j’ai passée est allée bien au-delà de mes espérances. Car Craquage n’est pas un simple spectacle d’humour ou de stand up, c’est une véritable prise de parole qui fait d’abord sourire avant de venir nous piquer là où ça dérange.
Craquage cathartique
Cathartique, c’est bien le mot qui définit le mieux le spectacle de Marion Mezadorian. Tour à tour, elle incarne une galerie de personnages et de situations issus de nos quotidiens pour qui le craquage (ou le dé-craquage) est salutaire. La première de la série, on la reconnaît tous : c’est la mère de famille, plus transparente qu’une vitre, essorée par un mari et des enfants ingrats, qui a juste envie de faire ce dont on rêve tous secrètement… tout envoyer valser. Et comme c’est du théâtre, l’impossible devient possible. D’ailleurs, elle n’y va pas avec le dos de la cuillère, pour notre plus grand plaisir !
La suite du spectacle explore le thème dans différentes situations de la vie, de l’instit’ lessivée à la gynéco gaffeuse, sans oublier la coiffeuse à bout de nerf, la maîtresse reiki autoproclamée ou le macho pris à son propre jeu… Une galerie haute en couleurs ou chaque personnage fait mouche.
Une mise en scène intelligente
On retrouve dans ce spectacle les codes du stand-up, mais aussi ceux du théâtre. Une paire d’escarpins rouges, une laisse rétractable, une vapoteuse, un torchon à carreaux… un rien permet de croquer en un instant un nouveau personnage et de faire imaginer tout un hors-scène très riche. J’adore cette qualité de comédienne qui, à l’instar de Romain Daroles, arrive à produire un maximum d’effets avec un minimum de moyens. Tout est dans la finesse du jeu, le travail d’un accent… toujours dans la satire mais jamais dans la caricature. Autant de personnages dont on imagine aisément qu’on pourrait les croiser dans notre entourage.
Le spectacle gagne en profondeur au fur et à mesure qu’il avance. Non pas que la première moitié ne soit pas intelligente, mais le dernier tiers du spectacle prend un virage inattendu en abordant des thèmes plus graves (incestes, nettoyages ethniques, migrations…) qui viennent nous choper sans qu’on l’ait vu venir. Et pourtant, même dans ces sketches plus sombres, Marion Mezadorian ne se départit pas de son humour et de sa finesse. Du grand art !
Une fois encore, alors que les spectacles d’humour ne sont normalement pas ma came, j’ai été emballé par cette proposition. Si vous voulez aussi découvrir l’univers de Marion Mezadorian, rendez-vous sur sa page web où sont recensées les dates de sa tournée. C’est à ne pas manquer !
Qui a écrit cet article ?
Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.