Une bataille après l’autre est un film jouissif à de nombreux niveaux : son énergie, son ton satirique, la maîtrise absolue de son art, le mélange des genres… Pendant 2h40 que l’on ne voit pas passer, impossible de détourner le regard : image, musique, scénario et montage sont calibrés au millimètre pour offrir un pur ride de cinéma entre vengeance, course-poursuite, humour et pamphlet politique.
Une bataille après l’autre : le combo parfait de la mise en scène et de l’interprétation
Le film est aussi captivant visuellement que passionnant dans son écriture et brillant dans son interprétation. Généralement, quand Leonardo DiCaprio est à l’affiche d’un film, on sait qu’il y a peu de chances que ce soit un navet. Une fois de plus, la promesse est tenue. Aux côtés de la jeune Chase Infiniti, il joue un ancien anarchiste révolutionnaire en robe de chambre, un véritable loser à la fois grotesque et sublime.
Mais c’est Sean Penn qui vole la vedette, dans l’un de ses meilleurs rôles depuis très longtemps : celui d’un suprémaciste blanc pathétique & frustré, en quête de reconnaissance, aussi effrayant que ridicule et pitoyable. J’ai savouré chaque scène dans laquelle il apparaît, jusqu’à la dernière seconde…
Une fable politique… mais qui ne pousse pas loin la comprenette
Cette comédie d’action jouissive se présente d’abord comme un film politique sur l’Amérique contemporaine, malade, dont héritent les nouvelles générations, qui doivent reprendre le flambeau des luttes pour un monde meilleur. La première demi-heure amorce une réflexion politique qui se dilue ensuite dans une chasse à l’homme un peu plus conventionnelle.
La force du film repose sur le fragile équilibre entre l’action et l’humour. Le film n’a pas peur du ridicule des situations caricaturales qu’il met en scène, qui sont pourtant le reflet glaçant et à peine forcé d’une Amérique proto-fasciste & polarisée comme jamais. Paul Thomas Anderson prolonge ses thèmes fétiches : les dérives sectaires du capitalisme et de la religion, aujourd’hui indissociables (le groupuscule des Aventuriers de Noël est à la fois sidérant et terrifiant de débilité). Ceci dit, le scénario ne pousse pas plus loin la comprenette ni l’analyse sur ces phénomènes de radicalisation qui font peu à peu vaciller la société.
Satire, révolte et héritage
Une bataille après l’autre est une course folle ininterrompue, une fable hybride et survoltée, foisonnante de références, de symboles & de ruptures de tons. Son côté grand spectacle fun décomplexé et son propos politique salé en font très certainement une œuvre destinée à devenir un classique, ainsi que la confirmation de Paul Thomas Anderson parmi les meilleurs cinéastes américains actuels. En réussissant la fusion improbable entre le blockbuster et la satire politique, Anderson livre un film d’auteur furieusement vivant, qui nous rappelle qu’à Hollywood aussi, il reste des cinéastes en lutte — une bataille après l’autre.
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Faire la sieste sous les tropiques, parler littérature, théâtre et cinéma, écouter le craquement du glaçon plongé dans l'eau, frissonner avec Lovecraft, planifier des voyages en Italie... J'adore l'esprit rabelaisien, l'accent du sud-ouest et autres futilités de l'existence.




